Aux passants elle vend des sourires. Fidji la regardait parfois, avant, mais aujourd’hui il partage sa vie entre ses combines à Paname et ses nuits au squat, où seuls les hommes peuvent dormir. Mais Moon n’est pas seule. Comète, sa chienne, l’accompagne partout. L’animal lui tient chaud la nuit, sur ses cartons, sous sa couverture de pulls. Et Moon a ses techniques pour établir son campement, élire un bon voisin : « Les trop gentils, ils appellent le SAMU social, et après il faudrait que tu les remercies. Non, faut choisir les gens qui ont l’air malheureux ou un peu malades […], ceux-là, tu donnes un sens à leur vie. » Car pas question de céder aux « solidaires » qui, l’hiver venu, tentent de la convaincre de rejoindre l’accueil de jour. Ni au Secours catholique, qui « se la joue confiance et secret social et après on te demande ton nom de famille ». Moon entend continuer à gagner sa vie « honnêtement ». Et, pendant ses heures d’attente, elle commence à écrire, sur des calepins dérobés. Elle écrit les souvenirs que Fidji lui a confiés. Avec difficulté, d’abord, puis les mots fusent. De fil en aiguille, le texte finit sur le bureau d’un éditeur, qui se dit intéressé.
Mais D’où je suis, je vois la lune n’est pas une belle histoire. Ce n’est pas non plus un roman misérabiliste, ni une étude ethnographique chez les personnes sans abri. Non, c’est une plongée sous le crâne de Moon, jeune femme décidée, indépendante et rêveuse, le récit d’un parcours d’émancipation sur fond de société de consommation. Après Dis oui, Ninon (éd.? Stock, 2009), Maud Lethielleux, musicienne et metteure en scène, signe un second roman sensible et trépidant. n
ELSA FAYNER
D’où je suis, je vois la lune – Maud Lethielleux – Ed.Stock – 18,50 € – Infos :