Qu'attendez-vous de cette initiative ?
Investi depuis de nombreuses années sur les sujets de l'immigration, j'avais déjà été en contact avec le collectif « Cette France-là ». Sandrine Mazetier (députée PS de Paris) a pris l'initiative de convier tous les parlementaires mobilisés sur cette question au sein d'un groupe de travail, afin de réaliser un audit de la politique d'immigration du gouvernement, en particulier son coût, mais aussi ses conséquences économiques, sociales ou humaines, aussi bien pour notre pays que pour les immigrés. Nous sommes une vingtaine (2) – une douzaine de députés, dont trois de l'UMP, quatre sénateurs et cinq eurodéputés – à participer à cette démarche. De la même manière que la majorité et l'opposition s'accordent sur les mêmes chiffres sur l'hébergement et le logement social, nous pourrions au moins nous mettre d'accord sur une réalité chiffrée ! Et nous ne souhaitons pas en rester au diagnostic. En dépit de divergences sur les principes ou les modalités de mise en œuvre, qui existent au sein même de l'opposition, j'espère que nous pourrons dans un second temps tirer de cet audit un dénominateur commun de propositions.
Eric Besson a préféré financer son propre rapport…
C'est de bonne guerre ! Ces réflexions ont le mérite d'obliger tout le monde à se pencher sur la crédibilité de notre politique d'immigration : la diversité des constats selon les sources – ministère, chercheurs, parlementaires, Cour des comptes – prouve qu'il y a un problème.
Certains craignent que l'audit porte surtout sur la dénonciation du coût des expulsions…
Même si elle est importante, nous ne pourrons pas nous focaliser sur cette question et chercherons à y voir plus clair sur les bénéfices que nous tirons de l'immigration, même clandestine. Il est stupéfiant de voir que les étrangers en situation irrégulière déclarés alimentent les recettes de la sécurité sociale, notamment par des cotisations retraite dont ils ne pourront pas bénéficier ! Au-delà, alors que nous en sommes au cinquième projet de loi sur l'immigration en sept ans, l'audition de chercheurs, de politiques, de hauts fonctionnaires et d'acteurs du monde associatif devrait nous permettre d'évaluer la politique d'immigration au regard de la démographie, de l'emploi, de la protection sociale, de l'aide au développement ou de l'intégration.
Quelles sont vos propres critiques ?
Je souhaite que les droits de l'Homme et du citoyen continuent d'être la priorité. Or, depuis quelques années, la fermeté a pris le pas sur l'humanité. Je défends pour ma part trois principes. Le premier est de ne jamais séparer les couples, ni les enfants de leurs parents. J'adhère par ailleurs à la politique du « cas par cas » et suis opposé aux quotas, qui incitent à faire du chiffre. Il est vrai que parfois les autorités, au prétexte de respecter la loi, d'atteindre des objectifs chiffrés, en viennent à des applications déraisonnables, prennent des décisions qui manquent de bon sens et peuvent entraîner des dépenses disproportionnées. On ne doit pas non plus renvoyer chez elles des personnes dont le pays est en guerre. J'entends dire que l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou le Danemark renvoient des Afghans par charters, mais ce n'est pas une raison suffisante.
Avez-vous obtenu des moyens pour cet audit ?
Pas pour l'instant, mais nous essayons d'obtenir des deux chambres de transformer le groupe de travail en mission officielle interparlementaire. Ce qui serait en soi une révolution ! Si nous échouons, la mission restera informelle, l'objectif restant de clore les auditions à la fin de l'année et de publier un rapport.
(1) Présidée par le philosophe Michel Feher et rassemblant notamment des universitaires et des militants associatifs –
(2) Elus PS, Verts, Parti de gauche, PC, UMP, Modem, Europe Ecologie, PRG.