Attendue de longue date, la réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux est lancée. La ministre de la Santé a en effet présenté au conseil des ministres du 5 mai un projet de loi en ce sens, dont les grandes lignes avaient été dévoilées par le président de la République fin 2008 après le meurtre d’un étudiant par un patient schizophrène à Grenoble (1). Ce projet de texte, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, prévoit une évolution globale du dispositif d’hospitalisation sans consentement. « C’est-à-dire tant la procédure sur demande d’un tiers que la procédure d’hospitalisation d’office », indique son exposé des motifs. La réforme concerne près de 70 000 patients par an qui souffrent de troubles mentaux rendant impossible leur consentement aux soins. Elle devrait être débattue au Parlement à l’automne prochain.
Un des objectifs est d’adapter la législation aux évolutions des soins psychiatriques et des thérapeutiques pour permettre aux patients d’être pris en charge autrement qu’en hospitalisation à temps plein. « En l’état actuel des textes, les médecins ne disposent pas d’autre cadre juridique que celui des sorties d’essai pour permettre une prise en charge ambulatoire ou en hospitalisation partielle […], explique le gouvernement. Dans les faits, certains patients pour lesquels les médecins jugent nécessaire de maintenir un cadre structurant et contraignant demeurent parfois plusieurs années en sortie d’essai. » Aussi le projet de loi remplace-t-il la notion d’hospitalisation sans consentement par celle, plus large, de soins sans consentement pour permettre la mise en œuvre de soins ambulatoires, y compris à domicile, dans le cadre d’un protocole de soins dont le contenu sera fixé par décret. Il supprime en conséquence les sorties d’essai (2), tout en maintenant les sorties accompagnées d’une durée n’excédant pas 12 heures.
Le projet gouvernemental simplifie l’entrée dans le dispositif de soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers. Le directeur d’établissement devrait en effet être autorisé à prononcer la décision d’admission au vu d’un seul certificat médical, contre deux actuellement. Sans changement, une personne atteinte de troubles mentaux ne devrait pouvoir faire l’objet de soins sans consentement que si deux conditions sont réunies, à savoir : les troubles rendent impossible son consentement et son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante, justifiant une hospitalisation complète, ou régulière, justifiant des soins ambulatoires. Le projet de texte prévoit une admission en hospitalisation complète et crée une période d’observation de 72 heures à l’issue de laquelle sera prise la décision, sur certificat médical d’un psychiatre de l’établissement d’accueil, de prolonger ou non les soins et, en cas de prolongation, de la forme de la prise en charge. Il instaure également une admission en soins sans consentement en cas de péril imminent, qui devrait consister pour le directeur de l’établissement à prononcer l’admission lorsqu’il existe un péril imminent pour la santé d’une personne et qu’aucun tiers intéressé n’est présent pour formuler la demande.
Le projet de loi prévoit par ailleurs qu’un collège de trois soignants devra être consulté au préalable, notamment sur l’opportunité d’aménager la prise en charge du patient ou de lever les soins sans consentement lorsqu’il s’agit de personnes déclarées irresponsables pénalement et des patients séjournant ou ayant séjourné dans une unité pour malades difficiles. Il aménage également les règles concernant la levée demandée par un tiers ou un proche de la mesure de soins sans consentement pour permettre au psychiatre traitant de s’y opposer lorsque l’arrêt des soins entraîne un péril imminent pour la santé du patient. En revanche, il maintient la levée de la mesure de plein droit lorsqu’elle est demandée par la commission départementale des soins psychiatriques, qui remplacera la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Rappelons que, en l’état actuel des textes, la levée de la mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers est de droit, la seule alternative consistant à la transformer en hospitalisation d’office si les conditions de cette dernière sont remplies, à savoir : personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Sans modifier les critères d’entrée dans les soins sans consentement sur décision du préfet par rapport à ceux de l’actuelle hospitalisation d’office, le projet de loi allège la procédure en prévoyant que le certificat médical fondant l’intervention du préfet devrait pouvoir émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil.
A noter, enfin, que le projet de loi comporte aussi des mesures relatives aux soins sans consentement des personnes détenues.
(2) Une circulaire a récemment encadré l’usage des sorties d’essai - Voir ASH n° 2646 du 12-02-10, p. 9 et p. 20.