Le programme national nutrition santé (PNNS) a rempli de « manière plutôt satisfaisante les objectifs qui lui ont été assignés en termes de promotion des bons comportements alimentaires, avec les moyens humains et financiers qui ont été les siens. Sa pérennité mérite d’être assurée car il constitue une démarche utile et indispensable au succès de toute politique nutritionnelle. » C’est ce que concluent l’inspection générale des affaires sociales et l’Observatoire de la qualité de l’alimentation dans un rapport d’évaluation des deux premiers PNNS, remis le 6 mai à la ministre de la Santé (1). Toutefois, les auteurs estiment que « la reconduction [du programme]en l’état n’est pas souhaitable » compte tenu des difficultés qu’ils ont identifiées, relatives notamment à la gouvernance du programme et, par là-même, à la mise en œuvre des actions, entre autres en direction des personnes âgées et des personnes défavorisées. Aussi les auteurs avancent-ils un certain nombre de recommandations pour pallier ces insuffisances, recommandations auxquelles Roselyne Bachelot a déclaré adhérer. Et, pour leur assurer une plus grande efficacité, la ministre a précisé vouloir que « le pilotage du PNNS s’effectue en étroite collaboration avec tous les acteurs concernés ».
« La gouvernance du programme est restée au niveau de l’incitation alors même qu’il était prévu la création d’un comité interministériel de la politique nutritionnelle, avec un niveau de représentation ministériel, qui n’a jamais été créé », regrettent les auteurs. Qui pointent en outre la « quasi-inexistence des évaluations [des actions mises en œuvre] et surtout le faible nombre de personnes touchées par ces actions qui conduisent à un faible impact collectif, au moins apparent ». Aussi suggèrent-ils de « mettre en place une évaluation des principales actions aux différents niveaux de leur mise en place (nationale ou territoriale) ». Ou encore de « favoriser et soutenir la généralisation des expériences reconnues comme les plus performantes en termes d’efficacité et d’impact » (2).
Parmi les points faibles du PNNS, les auteurs estiment que la lutte contre la dénutrition des personnes âgées demeure « insuffisante » et que l’importance de ses enjeux n’a pas été prise en compte. Auditionnée par l’inspection et l’observatoire, la directrice d’un groupe gestionnaire d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a estimé que « 30 % des entrants en EHPAD étaient dénutris et que ce constat perdurait un an après l’entrée en institution ». Un constat qui se retrouve dans plusieurs départements ou études. Aussi les auteurs considèrent, dans un premier temps, qu’il faut renforcer la connaissance sur la dénutrition des personnes âgées. Puis recommandent que le prochain PNNS identifie clairement un « programme spécifique “prévention, dépistage et prise en charge de la dénutrition des personnes âgées à domicile et en établissement”, assorti de fiches-actions incombant à des pilotes nationaux et susceptibles d’être déclinées en région ». Afin d’impulser les actions mises en œuvre dans ce cadre, le rapport préconise aussi d’impliquer davantage au sein du comité de pilotage du PNNS des acteurs susceptibles de porter cet enjeu, telles que la direction générale de la cohésion sociale ou la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. En outre, ces dernières pourraient se voir confier le pilotage d’actions spécifiques et l’animation de groupes de travail pour définir des priorités d’actions dans les champs des établissements et du domicile. Enfin, les auteurs recommandent de « mettre à profit la création des commissions de prévention des agences régionales de santé(3), qui intègrent les collectivités locales, pour développer les actions de sensibilisation à cette partie du PNNS ».
Par ailleurs, le rapport constate que la prise en compte des personnes défavorisées dans le PNNS n’est qu’une « priorité assez théorique », chiffres à l’appui : entre 1997 et 2006, l’augmentation de la prévalence de l’obésité a été de 55 % pour les personnes dont le revenu était inférieur à 900 € par mois (prévalence passant de 12,1 % à 18,8 %), contre 35 % pour celles dont le revenu se situait entre 3 800 et 5 300 € (prévalence passant de 4,9 % à 6,6 %) (4). Les actions mises en œuvre dans ce cadre ne se concentrent que sur la formation et l’information. Et, déplorent les auteurs, on ne compte que des « actions locales ponctuelles faute d’impulsion nationale suffisante ». Selon le second PNNS, celle-ci devait surtout être donnée par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Intégrée au comité de pilotage du programme, elle s’y est pourtant montrée peu présente, relève le rapport. Aussi préconise-t-il, entre autres, que le prochain PNNS redonne la priorité aux actions en faveur des plus démunis et revoie les conditions d’éligibilité à l’aide alimentaire. Les auteurs suggèrent enfin à la CNAF d’introduire dans sa convention d’objectifs et de gestion la référence aux objectifs du programme national nutrition santé.
(1) Disponible sur
(2) Dans ce cadre, les auteurs préconisent de « déterminer un axe spécifique sur l’outre-mer dans le prochain PNNS », qui tienne compte du contexte culturel et géographique.
(4) Chiffres issus du rapport sur la pertinence et la faisabilité d’une taxe nutritionnelle des inspections générales des affaires sociales et des finances, réalisé en juillet 2008.