« Plus de flexibilité [pour les entreprises dans la gestion des emplois], plus de volatilité du marché du travail mais peu de mobilités » pour les salariés. Un récent rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) (1) montre, chiffres à l’appui, que « la flexibilité des emplois s’est développée en France de façon significative depuis quelques années ». En revanche, subsiste « une insuffisante mobilité des salariés français », tant professionnelle, sectorielle que géographique. Qui plus est, les mobilités sont « plus subies que choisies » et ont tendance à « renforcer le dualisme du marché du travail et les inégalités selon le niveau de qualification » (2). Partant de ce constat, les auteurs du rapport avancent un certain nombre de propositions visant justement à développer les mobilités choisies et sécurisées, mais aussi à renforcer les compétences générales plutôt que spécifiques des salariés.
Ils suggèrent en particulier de mettre en place un système de bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage et sur les obligations de reclassement en fonction de la fraction des salariés formés et du caractère diplômant ou certifiant des formations. L’objectif étant d’inciter les employeurs à former le maximum de leurs salariés en amont, de façon continue et sans attendre les plans sociaux.
Parallèlement, les salariés doivent être encouragés à se former en amont. Pour cela, le rapport propose de rendre obligatoire le bilan d’étape professionnel prévu dans la loi « orientation-formation » du 24 novembre 2009 (3). Il recommande par ailleurs la création d’un chèque formation dont la valeur augmenterait progressivement avec l’ancienneté dans la carrière et qui pourrait être utilisé au choix du salarié parmi les formations labellisées. Parmi les autres propositions avancées, signalons aussi la création d’un site Internet recensant les formations labellisées et notées grâce à des évaluations multicritères réalisées à la fois par l’administration et, de façon complémentaire, par des opérateurs privés ou universitaires mais aussi par les usagers.
Le CAE plaide pour la mise en place des compléments salariaux à la mobilité. De telles mesures existent déjà sous forme d’aide différentielle réservée sous certaines conditions au demandeur d’emploi indemnisé au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi. « Il faut les généraliser à tous les salariés d’une certaine ancienneté dans un secteur ou une entreprise qui changent de secteur et subissent une décote salariale », estime le conseil, qui préconise par ailleurs de développer les aides à la mobilité géographique, en les rendant accessibles à ceux qui ont une opportunité professionnelle sans forcément avoir été licenciés ou être inscrits à Pôle emploi. Le rapport suggère également de réaliser des expérimentations portant sur de nouvelles formes de baux plus souples afin d’aider à déménager les chômeurs, les salariés en contrat à durée déterminée et les travailleurs à faible revenu. Ces nouveaux baux « seraient rompus rapidement en cas d’impayés, mais les locataires de bonne foi devraient bénéficier en priorité du droit opposable au logement », expliquent ses auteurs. Enfin, en matière de droits à la formation, d’indemnisation ou de prise en charge renforcée par Pôle emploi, le rapport invite à éliminer les dispositifs de droits acquis à l’ancienneté dans une entreprise ou dans une branche et, au contraire, à capitaliser ces droits sur des comptes individuels en fonction de l’ancienneté dans l’emploi. Par exemple, précise-t-il, la capitalisation des droits « devrait conduire au cumul des droits lorsque les salariés occupent plusieurs temps partiels ». Etant rappelé que dans le système actuel on ne retient que les droits les plus favorables d’un des contrats de travail.
S’agissant des demandeurs d’emploi, les auteurs appellent à substituer à la logique de sanction administrative celle de dégressivité de l’assurance chômage « dont la pente doit être négociée par les partenaires sociaux ». Pour eux, par ailleurs, les manquements aux obligations des chômeurs « peuvent et doivent en toute logique être sanctionnés, mais par une autorité indépendantedu service public en charge des politiques d’emploi ». Au-delà, le rapport recommande de développer l’utilisation du chômage partiel visant à former des salariés à d’autres métiers.
Le CAE invite à supprimer le dispositif de la convention de reclassement personnalisé pour y substituer le contrat de transition professionnelle, qui serait dès lors généralisé à tout le territoire. Le rapport plaide par ailleurs pour l’ouverture de ce dernier aux travailleurs temporaires, c’est-à-dire aux salariés intérimaires et en fin de contrat à durée déterminée, qui ont un projet professionnel.
Dernière proposition avancée : la mise en place d’une structure interministérielle, comme une « délégation interministérielle consacrée aux mobilités », placée sous l’égide du Premier ministre, voire rattachée à un secrétariat d’Etat aux mobilités. Selon le conseil, cette structure devrait regrouper et coordonner les moyens et structures existants au sein des différents départements ministériels et non pas s’ajouter à ces structures. Et « ne doit pas être permanente, sous peine d’enlisement, mais au contraire temporaire ».
(1) Les mobilités des salariés – Disponible sur
(2) « Economiquement, [en effet], les entreprises n’ont pas intérêt à former les salariés en emploi précaire, dans la mesure où elles ne peuvent espérer rentabiliser cet investissement », pointent les auteurs. Ce qui explique que « les travailleurs temporaires n’ont que peu accès aux dispositifs d’amélioration de leur employabilité ».
(3) Le principe de ce bilan figure dans le code du travail, mais le dispositif n’est pas pour autant opérationnel, ses conditions d’application devant encore être déterminées par un accord de branche étendu – Voir ASH n° 2629 du 23-10-09, p. 16.