Adélie chante, Adélie rêve. Elle déteste le sport, tous les sports. Au centre, « il y a des activités obligatoires, notamment des exercices, dont elle a vite appris à éviter la logique perverse ». Adélie est autiste. Anne Vernet, metteure en scène, est titulaire d’un doctorat en sciences du langage. Elle signe ici son deuxième livre, Un trop-plein d’espace. Pour une fois, la personne malade n’est pas décrite par le moins, mais par le plus, le trop. Le trop-plein, l’entier, l’absence de césure. Et c’est cette césure, cette interruption, ce hors d’elle, qui mettent Adélie dans tous ses états. « Lorsqu’Adélie fait un câlin à sa mère, elle la mange littéralement de baisers. [Car] les câlins exaspèrent Adélie, l’affolent. Elle, qui est toujours dans sa mère et sa mère en elle, est perturbée par le contact physique, menaçant : la mère intérieure et la mère extérieure ne coïncident pas. […] Chaque câlin pour Adélie est une épreuve : la réalité lui échappe. » Et la mère et la fille finissent par s’endormir dans les bras l’une de l’autre.
L’image dérange, et lève en même temps une partie du voile. Elle donne un élément de réponse à la question qui obsède Daniel, le frère d’Adélie : sa sœur souffre, mais il ne sait pas de quoi, ni quand exactement. Le livre tente d’approcher par les mots, par les signes, par les images la souffrance d’une famille face à la maladie. Avec subtilité, avec fermeté.