Si les termes la désignant varient, la notion de flexisécurité (1) se trouve aujourd’hui « au cœur de la réflexion sur l’évolution du droit du travail et de l’emploi, tant au niveau européen qu’au niveau national ». C’est ce qui a conduit la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à créer, en février 2009, une mission d’information sur ce thème, laquelle a rendu public le fruit de ses travaux le 28 avril dernier (2).
Présidée par le député (UMP) des Yvelines Pierre Morange, elle s’était donné pour objectif de « proposer une assurance professionnelle pour les salariés, en réaménageant certains dispositifs existants ». Car le droit du travail français contient déjà de nombreux éléments concourant à la sécurisation des parcours professionnels. Mais « il leur manque une logique d’ensemble », souligne la mission parlementaire, qui a travaillé « au rassemblement des différentes pièces de ce puzzle encore éclaté ».
Une partie de son rapport est consacrée à « l’outil clé de la sécurisation des trajectoires » : la portabilité des droits, qui permet aux salariés le maintien temporaire de certains de leurs droits après la rupture de leur contrat de travail. Pour la mission d’information, elle constitue « la pierre fondatrice de la construction d’une nouvelle protection des travailleurs ».
Petit rappel : face à la discontinuité accrue des parcours professionnels, plusieurs droits ont récemment été ouverts à la portabilité. Il s’agit du droit individuel à la formation (3), des droits à couverture complémentaire de santé et de prévoyance (4) ou encore de ceux relatifs à l’épargne salariale. La mission d’information propose de les réunir au sein d’un véhicule commun : un « compte social » ouvert à tous les salariés sur l’ensemble de leur carrière. La création de ce compte s’effectuerait à partir de la transformation du compte épargne-temps, « après évaluation et généralisation dans un délai raisonnable pour les entreprises ». Le périmètre exact de ce compte social ainsi que les modalités de son financement seraient déterminés par la négociation sociale. Et, à partir des comptes sociaux, un répertoire national des droits acquis au titre du travail pourrait être bâti, avec des garanties de confidentialité des données. Il serait accessible en ligne et permettrait aux salariés de prendre facilement connaissance de leurs droits.
Le rapport traite aussi du service public de l’emploi. Face au constat d’« une profusion des structures œuvrant en matière de travail, d’emploi et de formation professionnelle », la mission d’information préconise d’accroître la logique de guichet unique et la politique de partenariats. Il s’agit de mettre en place un service public en réseau, autour d’un acteur pivot, Pôle emploi, précise-t-elle. Dans la lignée de la création de l’opérateur unique, la mission d’information propose de rapprocher d’autres structures (les missions locales et les maisons de l’emploi en particulier). Et évoque la création d’un « Conseil national de l’emploi et de la formation professionnelle », rassemblant tous les acteurs du domaine, par la fusion de plusieurs structures existantes (le Conseil national de l’emploi et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie). Il serait l’instance de délibération aux côtés de Pôle emploi, et disposerait d’un réseau régional, les « conseils régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle », issus également de la fusion de structures territoriales actuelles.
Au niveau local, le rapport recommande de renforcer les maisons de l’emploi, qui devraient progressivement intégrer deux autres structures, les comités de bassins d’emploi et les plans locaux pour l’insertion et l’emploi.
« La simplification des outils doit aussi être accomplie », selon la mission, pour qui « une généralisation du contrat de transition professionnelle doit être envisagée sur tout le territoire pour les personnes licenciées pour motif économique éligibles ».
En outre, le rapport « Morange » propose « une nouvelle ambition pour l’assurance chômage », à laquelle serait confiée la gestion des comptes sociaux individuels des salariés, et qui deviendrait par là même « une assurance professionnelle », par la voie de la négociation sociale.
La mission d’information sur la flexisécurité à la française s’est par ailleurs intéressée aux outils collectifs, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), et individuels, les entretiens et les bilans professionnels, qui ont été nouvellement créés et qui tendent au développement de l’employabilité des salariés. Elle recommande notamment d’étendre la GPEC jusqu’au niveau territorial, de lancer une concertation sociale sur l’articulation entre cette dernière et le droit de la modification du contrat de travail, et de relancer la négociation des partenaires sociaux sur le bilan d’étape professionnel (5).
Au-delà, le rapport traite du dialogue social, que la mission souhaite voir consolidé. Elle préconise en particulier de l’organiser au niveau territorial, pour que « l’élaboration des règles communes du travail soit le fruit de la démocratie sociale à tous les échelons ».
(1) La flexisécurité, ou « flexicurité » ou « flexsécurité », vise à combiner plus de flexibilité pour les entreprises dans la gestion des emplois et une sécurisation accrue des parcours individuels des salariés. Elle induit le basculement d’une logique de protection de l’emploi (logique de statuts) à une logique de protection dans l’emploi (logique de parcours professionnels).
(2) Pour une assurance professionnelle – Rapport d’information n° 2462 – Disp. sur
(5) Le principe de ce bilan est inscrit dans la loi « formation-orientation professionnelle » du 23 novembre 2009, mais le dispositif n’est pas à ce jour opérationnel, ses conditions d’application devant être déterminées par un accord national étendu.