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Le HCAAM préconise de repenser le système de soins pour maîtriser les dépenses liées au « grand âge »

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Si le vieillissement de la population est souvent avancé comme une des causes essentielles de la hausse des dépenses de santé, la réalité est beaucoup plus nuancée, indique le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) dans un avis adopté le 22 avril dernier (1). Certes, les personnes âgées de plus de 60 ans, qui représentent 1/5 de la population, sont à l'origine de 45 % des dépenses de soins et les plus de 75 ans, qui représentent 8 % de la population, en induisent environ 20 %. Mais la solidarité face aux dépenses médicales des plus âgés « n'atteint pas, contrairement à certaines idées répandues, des proportions exorbitantes », souligne l'instance. Le « défi » qui s'impose réellement est celui d'« organiser autrement la manière de prendre en charge et d'accompagner les malades particulièrement fragiles et présentant des situations cliniques complexes et polypathologiques ». Au final, « le grand âge met en évidence [...] un point de fragilité fondamental de l'organisation des soins : son insuffisante transversalité autour de chaque personne malade ». Le Haut Conseil formule une série de pistes de travail pour y remédier.

Des dépenses pas si exorbitantes

Pour le Haut Conseil, « il est [...] plus juste de parler de concentration des maladies sur le grand âge [85 ans et plus] plutôt que de concentration de la dépense ». Ainsi, « le strict effet du vieillissement de la population ne devrait induire en moyenne, dans les années qui viennent, qu'une hausse mécanique de 0,4 point par an du volume des dépenses ». Par ailleurs, même si les personnes âgées bénéficient de remboursements plus élevés, elles ont aussi un reste à charge plus élevé. En effet, au-delà de 80 ans, explique le Haut Conseil, bien que plus d'une personne sur deux soit prise en charge à 100 % au titre d'une affection de longue durée, leur reste à charge s'élève néanmoins à 1 000 € en moyenne par an (2), soit plus du double que pour l'ensemble de la population.

Pour l'instance, « le vieillissement de la population française ne représente pas, par lui-même, la menace dominante pour l'évolution globale des dépenses de l'assurance maladie : son impact portera plutôt sur la répartition interne entre les types de dépenses de soins ». Et ce, précise-t-elle, même si « les soins dont l'importance est étroitement liée à l'état de plus grande fragilité physique ou cognitive des personnes âgées vont connaître une croissance plus forte que le reste de la dépense d'assurance maladie ». Une situation à laquelle il faut se préparer, indique le Haut Conseil, estimant que cela « dépendra très fortement des choix d'organisation qui seront mis en place [...] à long terme ».

Les carences du système de soins, responsables des coûts élevés

Selon l'instance, il faut concentrer l'attention sur le « niveau anormalement élevé des dépenses individuelles moyennes de soins «au grand âge» » (3). Une situation qui s'explique par des « inadaptations structurelles » et notamment par une « offre de soins fragmentée et une forte segmentation des structures ». Au gré des récits des patients, il est en effet apparu au Haut Conseil que « c'est la coordination des soins qui est en défaut » (addition pas toujours cohérente d'actes et de prescriptions, succession d'hébergements parfois trop longs, ou trop courts, ou inadaptés...). Illustration en est aussi faite par le recours des personnes très âgées aux services d'urgence hospitaliers : « plus de 40 % après 85 ans, alors qu'il n'est que de 15 % pour toutes les tranches d'âge situées entre 30 et 70 ans ». Une situation anormale, considère le Haut Conseil, notant que ces services constituent « le réceptacle [...] de demandes de soins qui n'ont pas su ou pas pu trouver à temps, soit une réponse préventive adaptée, soit un cheminement plus direct vers l'intervention requise en services aigus de médecine ou de chirurgie ». Pour lui, les dysfonctionnements du système de soins naissent de la complexité des situations à gérer car, notamment, les besoins de soins du grand âge « supposent des arbitrages souvent difficiles et incertains dans les stratégies thérapeutiques » ou « ajoutent au soin technique et médical le savoir-faire propre du soin infirmier et des gestes d'accompagnement et d'entretien qui visent à protéger, maintenir ou restituer des capacités d'autonomie ».

Maîtriser les dépenses grâce à une meilleure coordination des soins

Il n'y a « pas de solution d'efficience «miracle» » et « pas de recette » pour que le système de soins apporte les réponses les plus adaptées, estime le Haut Conseil. Les inadaptations structurelles « peuvent et [...] doivent faire l'objet d'un effort de maîtrise », affirme-t-il. « Le grand âge met en demeure d'organiser le soin autour de la personne », ce qui signifie un système de soins « qui sache réagir de manière précoce aux signaux d'alerte, qui le fasse de manière proportionnée (c'est-à-dire sans surréagir par des excès d'actes exploratoires ou de traitements), et dont les soignants disposent de toute l'information leur permettant d'appréhender le contexte clinique dans sa totalité ». Il faut donc « plus de coopération et plus de coordination » entre les différentes professions et institutions sanitaires, médico-sociales et sociales, « en mettant l'accent sur une plus grande «ouverture» de l'hôpital» », martèle l'instance. Des efforts qui, selon elle, peuvent être « rapidement payants ». Dans ce cadre, le lien de travail entre les services hospitaliers et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes doit faire l'objet d'une « attention prioritaire ».

Au-delà, le Haut Conseil souhaite que soit mis à l'étude un véritable « dispositif de coordination personnalisé » pour les personnes très âgées les plus fragiles. Sans en détailler le mode de fonctionnement, il considère tout de même qu'il faut y distinguer deux fonctions, « qui doivent être organisées sur une base territoriale » : « la fonction de synthèse médicale et de prise de décision sur les orientations et les changements de prise en charge, assurée par principe par le médecin traitant » ; « la fonction de coordination à proximité immédiate de la personne et des aidants familiaux, à la fois soignante et sociale, qui garantit la vigilance et la circulation de l'information, ainsi que l'aide pour les démarches administratives », un rôle qui pourrait être tenu « selon le type et le niveau de besoins, par une assistante sociale, une infirmière ou un autre auxiliaire médical, ou encore par une structure pluri-professionnelle ». L'éligibilité à ce dispositif ne saurait être générationnelle mais suppose la mise à disposition d'outils nouveaux d'aide à la décision médicale, souligne l'avis.

Afin de maîtriser les dépenses liées au grand âge, l'instance préconise également une « approche globale de l'offre des secteurs sanitaire et médico-social, qui permette de faire face aux considérables disparités d'équipement sur le territoire ». Des instruments de régulation et des programmes d'équipements existent bien, notamment dans le cadre du « plan solidarité grand âge » (4). Mais cela suppose une « attribution très sélective des mesures nouvelles de créations de places sanitaires et médico-sociales et une forte coordination nationale de leurs répartitions respectives », explique-t-elle. Aussi les agences régionales de santé (ARS), récemment créées (5), auront-elles un rôle décisif à jouer en ce domaine.

Le Haut Conseil suggère en outre de « trouver les voies d'une gestion harmonisée de l'offre sanitaire et de l'intervention sociale » car « l'optimisation du soin, et du même coup de la dépense d'assurance maladie, dépend [...] de la capacité à déployer simultanément l'effort de solidarité sur les trois volets que sont la prise en charge des soins, de la perte d'autonomie et des frais d'hébergement ». Les ARS pouvant là encore jouer un rôle essentiel. L'instance estime enfin qu'un meilleur accompagnement de la perte d'autonomie peut constituer un « puissant levier d'efficience de la dépense d'assurance maladie. A condition bien sûr que ses modalités d'engagement soient conçues en complémentarité étroite avec la réponse aux besoins de soins et sans rupture dans la continuité des financements. »

Notes

(1) « Vieillissement, longévité et assurance maladie » - Disponible sur www.securite-sociale.fr.

(2) Cette situation peut notamment s'expliquer par le fait que près de 12 % de ces personnes déclaraient ne pas avoir de couverture complémentaire santé, selon une enquête menée en 2006 par l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé. Les raisons à cela : entre autres, le niveau des primes, qui constitue un frein, couplé aux faibles revenus de ce public.

(3) D'après l'avis, « l'écart de la dépense individuelle moyenne entre 70 et 90 ans est par exemple supérieur au double de l'écart constaté entre 50 et 70 ans » .

(4) Voir ASH n° 2548 du 2-06-06, p. 5 et n° 2462 du 30-06-06, p. 13.

(5) Voir ASH n° 2654 du 9-04-10, p. 39 et n° 2655 du 16-04-10, p. 37.

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