Sabrina, maman du foyer

Sabrina a passé quatorze ans en foyer. Elle s'exprime mal, renifle sans arrêt, ronge ses ongles et nourrit sa passion pour les chaussures et les grandes boucles d'oreilles. Elle a un bébé de 10 mois, Nicolas, qu'elle élève dans son studio de l'Ermitage, un centre maternel pour mineures où elle vit depuis deux ans. Sabrina n'a que 16 ans et demi. « J'suis une meuf bizarre, soupire-t-elle. J'espère que mon fils ne sera pas comme moi plus tard, sinon il est foutu. »

Je voudrais aimer personne permet de passer quelques jours aux côtés de Sabrina et de son entourage : sa mère, qui ne sait lui parler qu'avec les coups et les insultes, son père, qui ne viendra même pas assister au baptême du petit Nicolas, ses frères et soeurs, aussi abîmés qu'elle, et son petit ami, David, mal à l'aise à chaque fois que Sabrina lui parle de leur enfant. La documentariste braque la caméra sur les visages, sans commentaire. Les protagonistes sont conscients d'être filmés mais agissent avec naturel : ils dorment, se disputent, s'amusent ou s'ennuient, simplement. « A part m'occuper de mon fils, tous les jours y a rien à faire », lâche Sabrina à Daniel, son éducateur à l'Ermitage.

Peut-on sortir indemne d'une vie qui commence si mal ? se demande-t-on en observant cette jeune fille au caractère bien trempé. Marie Dumora suit Sabrina depuis son précédent film Avec ou sans toi. Elle n'avait alors que 11 ans et parlait déjà de sa douleur d'être élevée en foyer... « Dans certains endroits de la France, ces jeunes gens au parcours brinquebalant sont légion. J'essaie de les éclairer et de provoquer des résonances chez les spectateurs qui n'appartiennent pas à cette marge. Je sais que cela est rude, mais c'est encore plus rude de ne pas regarder », affirme la réalisatrice.

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