Si l'accord sur les chômeurs en fin de droits a été signé par l'ensemble des syndicats - à l'exception de la CGT - et si le gouvernement y voit « un succès » (voir ce numéro, page 5), il est diversement accueilli par les organisations accompagnant les chômeurs. Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) prend acte de la qualité des discussions entre les partenaires sociaux, même si l'association regrette qu'on n'ait pas cherché à entendre les représentants des chômeurs. Elle se dit plutôt globalement satisfaite de ce plan important puisqu'il vise plus de 300 000 chômeurs de longue durée, dont de nombreux jeunes, et salue la création de l'allocation exceptionnelle qui, équivalente à l'allocation de solidarité spécifique, évitera à bon nombre d'entre eux de basculer dans l'extrême pauvreté.
Si son avis diverge sur ce point du Comité national CGT des privés d'emploi, d'Agir ensemble contre le chômage (AC !) ou du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), qui dénoncent, quant à eux « l'aumône », le « geste caritatif de circonstance », que constitue le versement de cette allocation de 460 € par mois, SNC les rejoint pour regretter sa durée limitée à six mois. « C'est beaucoup trop court pour permettre à des personnes en grande difficulté de retrouver une situation stable. Dans notre association, la durée moyenne de nos accompagnements est passée en 18 mois, de 11 mois à 13 mois », explique Gilles de Labarre, président de Solidarités nouvelles face au chômage.
Laurent Wauquiez a, par ailleurs, précisé que cette aide ne bénéficiera pas à ceux qui refusent une formation ou un contrat. Ce qui, pour les organisations de chômeurs, s'apparente ni plus ni moins à une forme de chantage, puisqu'il s'agira d'accepter « n'importe quelle proposition ». SNC s'interroge, de son côté, sur la portée des propos du secrétaire d'Etat à l'emploi : « Nous serons extrêmement vigilants parce qu'il ne s'agit pas de demander aux chômeurs de longue durée des efforts supérieurs aux autres, ce serait une double peine », estime Gilles de Labarre. Pour AC !, en tout cas, le compte n'y est pas : « Plutôt que de prolonger l'indemnisation par l'assurance chômage des personnes et de modifier les injustes conditions d'accès aux minima sociaux, comme l'occasion lui en est donnée, le gouvernement décide la création d'un nouveau dispositif temporaire ne garantissant qu'un revenu de misère. »
Les chômeurs devraient se voir proposer des contrats aidés et des formations rémunérées. « Si on ne peut que se satisfaire de voir que les besoins de formation de cette population sont pris en compte, on peut toutefois s'interroger sur l'utilité de créer un dispositif spécifique au lieu d'élargir le contrat de transition professionnelle », remarque-t-on à SNC. « Quels contrats ? Quelles formations ? », s'interroge quant à lui le Comité national CGT des privés d'emploi, qui évoque la destruction des emplois dans de nombreuses entreprises. « Va-t-on voir apparaître des formations bidons développées par des sociétés privées ? », se demande AC ! Par ailleurs, « les contrats aidés sont exonérés de cotisations patronales, ce qui aggrave la protection sociale et notamment les retraites, et tire les salaires vers le bas », estime le Comité national CGT des privés d'emplois. « Le vrai problème, c'est que le gouvernement n'a pas de politique de création d'emplois », s'insurge le MNCP.
Une autre question, pratique celle-là, concerne la mise en oeuvre du plan. Pôle emploi devra identifier chaque mois les personnes susceptibles d'épuiser leurs droits dans un délai de deux ou trois mois pour leur proposer soit un contrat, soit une formation. Dans le contexte actuel où un conseiller suit en moyenne 101,1 demandeurs d'emploi, selon un document préparatoire transmis au conseil d'administration qui se réunissait le 16 avril - ratio qui s'établirait plutôt à un pour 200 en Ile-de-France et dans certaines métropoles, selon AC ! -, on peut s'interroger sur la capacité de l'institution à absorber cette nouvelle charge de travail. Même si Laurent Wauquiez avait promis fin 2009 un nouveau renfort « temporaire » d'effectifs équivalent à 1000 recrutements en 2010. Le problème, c'est que bon nombre de conseillers embauchés en contrat à durée déterminée ou issus de l'Unedic n'ont pas la formation adéquate pour orienter les chômeurs, explique Alain Marcu d'AC ! Il fait d'ailleurs état du climat « nauséabond de désespoir, d'impuissance et de violence » qui se développe de chaque côté des guichets de Pôle emploi. Soulignant, pour sa part, que les échos sur le travail des conseillers qui remontent des groupes de solidarité mis en place par SNC sont très divers - très négatifs, mais aussi parfois positifs -, Gilles de Labarre reconnaît que l'institution a des efforts à faire sur la qualité du service offert aux usagers. Reste, comme le montre la démission de Benoît Genuini de son poste de médiateur (voir ci-contre), que le dialogue semble aujourd'hui particulièrement difficile au sein de Pôle emploi.
Enfin, d'autres acteurs n'ont guère apprécié la méthode du gouvernement : les régions qui sont mises à contribution pour financer la formation de 20 000 demandeurs d'emploi. L'Association des régions de France s'est dite aussitôt « scandalisée » d'avoir été exclue de la table des négociations, malgré les contacts préalables qu'elle avait eus avec l'Etat. Rappelant que les chômeurs de longue durée figurent parmi les publics prioritaires pour les formations qu'elles mettent en place, les régions affirment toutefois être prêtes à adapter leur programme de formation, en fonction des réalités territoriales, pour mieux prendre en compte les chômeurs en fin de droits.