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Un étranger malade est inexpulsable si l'accès effectif à un traitement dans son pays est impossible

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Le préfet qui entend expulser un étranger dont l'état de santé « nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité » doit auparavant non seulement vérifier qu'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection de l'intéressé dans son pays d'origine, mais aussi s'assurer qu'il pourra bénéficier effectivement de ce traitement... si ce dernier prétend le contraire. C'est ce qui ressort de deux arrêts du Conseil d'Etat du 7 avril qui procèdent à un revirement de jurisprudence. Les sages ont en effet reconnu, plus précisément, qu'un étranger gravement malade peut se prévaloir du fait que, même si des possibilités de traitement existent dans son pays de renvoi, il ne pourra pas en bénéficier effectivement pour cause d'inaccessibilité socio-économique ou compte tenu de circonstances exceptionnelles liées à sa situation personnelle. Jusqu'alors, la Haute Juridiction considérait ce moyen inopérant (1).

Dans le premier arrêt, un ressortissant tunisien souffrant de diabète et d'autres pathologies a fait l'objet d'une décision de reconduite à la frontière prononcée à la suite de son maintien sur le territoire consécutivement à un refus de séjour. Pour contester cette mesure d'éloignement, il a soutenu que, faute de disposer de revenus en Tunisie, il ne pourrait pas bénéficier effectivement des soins, particulièrement coûteux, qui lui étaient nécessaires. Dans la seconde affaire, le préfet de police de Paris a refusé de renouveler le titre de séjour d'une ressortissante ivoirienne souffrant d'un diabète insulinodépendant dont le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Désireuse de faire annuler cette décision, elle a fait valoir qu'elle n'était pas en mesure, compte tenu du coût global du traitement et de la faiblesse de ses ressources en Côte d'Ivoire, de bénéficier effectivement du traitement approprié dans son pays.

Que dit la loi ? Dans la première affaire, c'est l'article L. 511-4, 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - portant sur la protection contre les mesures d'éloignement - qui s'appliquait. Dans la seconde, c'était l'article L. 313-11, 11 ° du même code relatif aux cas de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Les deux dispositions prévoient que le préfet doit prendre sa décision au vu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique compétent (ou à Paris, du médecin chef de la préfecture de police). Un avis dans lequel le médecin doit préciser notamment si « l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».

Le Conseil d'Etat estime qu'il résulte - entre autres - de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption des deux lois qui en sont à l'origine, qu'il appartient au préfet de vérifier, en fonction de l'avis du médecin, « que sa décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir (2), la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale » dans le pays d'origine ou de renvoi. Par suite, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne pourra y recourir, le préfet doit, au regard de l'ensemble des informations dont il dispose, « apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié » dans le pays d'origine ou de renvoi.

Au passage, le Conseil d'Etat précise les deux hypothèses dans lesquelles la situation de l'étranger doit conduire le préfet à vérifier l'effectivité d'un traitement approprié :

lorsque l'intéressé fait valoir que les possibilités de traitement ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés ;

lorsqu'il prétend que, en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêchent d'y accéder effectivement.

[Conseil d'Etat, 7 avril 2010, n° 301640 et 316625, disp. sur www.legifrance.fr]
Notes

(1) Dans un précédent arrêt, qui portait sur le cas d'un Tunisien gravement malade visé par un arrêté de reconduite à la frontière, le Conseil d'Etat avait estimé que la circonstance « qu'il aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie en Tunisie [était], en tout état de cause, sans incidence sur l'existence de soins appropriés à sa pathologie dans son pays d'origine » - Conseil d'Etat, 13 février 2008, n° 297518.

(2) C'est-à-dire du juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir.

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