Petits arrangements avec les règles

Faire entrer les méandres de la vie des allocataires dans les cases fixes d'imprimés administratifs, tel est le défi qu'ont à relever les contrôleurs des caisses d'allocations familiales (CAF). Pour cela, la connaissance des quelque 15 000 règles de droit qui régissent l'attribution des prestations ne suffit pas. Savoir si ces allocations sont dues ou indûment perçues suppose que les contrôleurs, qui vont chez les usagers vérifier l'exactitude de leurs déclarations, qualifient la situation de ces bénéficiaires. L'opération se révèle souvent délicate, non pas que les intéressés soient massivement portés au mensonge, mais parce que l'institution a du mal à tenir compte de leurs fréquents changements d'état (familial, social, professionnel). En emboîtant le pas des agents des CAF, Anne-Lise Ulmann, ethnométhodologue, révèle les ficelles de ces professionnels et, en particulier, leurs stratégies de mise en cohérence des faits, voire leurs « petits arrangements avec les règles », pour que le réordonnancement de la réalité permette de déboucher sur une issue mutuellement acceptable. Il est, bien sûr, important de ne pas laisser les usagers abuser de l'institution, mais il s'agit aussi d'éviter, autant que possible, de créer des contentieux, afin de ne pas générer un surcroît de travail à des caisses déjà surchargées. D'ailleurs, quand par manque d'effectifs, celles-ci ne peuvent plus traiter les dossiers des allocataires dans des délais raisonnables, leur solution est de... suspendre temporairement les contrôles.