« Un monde. Deux extrêmes. » Le sous-titre de la pièce écrite par Yann Reuzeau tape dans le mille : ce diptyque évoque, d'une part, des sans-abri tentant de survivre dans un sous-sol exigu et, d'autre part, un grand patron s'affrontant avec son successeur sur la stratégie à adopter pour assurer l'avenir de son groupe. Soit deux mondes radicalement opposés, jamais amenés à se rencontrer. Pendant la première heure, les « Miséreux » - Bariton, Hector, Dylan et Mélanie, interprétés par des comédiens plus vrais que nature - se soûlent, vocifèrent, se séparent pour mieux se retrouver. Certains tentent encore de se sortir de la rue, même si les moyens sont immoraux. D'autres, trop abîmés, n'y croient plus. A l'issue de la première intrigue, Bariton, clochard résigné, devient Daniel, vorace prédateur à la tête d'une entreprise énergétique, héros des « Puissants ». Le comédien Jean-Luc Debattice constitue le seul lien entre ces deux histoires qui ne se croisent pas, l'existence de chaque groupe demeurant même pour l'autre plutôt abstraite. Dans la France d'en haut, les coups bas sont fréquents : pour récupérer son siège, Daniel n'épargnera ni son fils ni sa fille. Ce Grandeur et décadence, peut-être un peu trop long, explore avec un réalisme criant les complexités, les côtés sombres et révoltants de ces deux mondes.
Puissants et Miséreux - Yann Reuzeau - Jusqu'au 30 mai, à la Manufacture des Abbesses - 7, rue Véron, 75018 Paris - Vendredi et samedi à 21 h, dimanche à 19 h