Changer ses lunettes, s'offrir de nouvelles chaussures, acheter une gazinière neuve... Le fonds d'aide « spécial crise » mis en place pour les personnes âgées par Les petits frères des pauvres en 2009 est de plus en plus sollicité pour des dépenses qui relèvent plus de l'ordinaire que de l'accidentel. « Les bénéficiaires des minima sociaux et de petites retraites se retrouvent avec des «reste à vivre» trop maigres, si bien que tout ce qui devrait être accessible devient très compliqué à obtenir », a souligné Jean-François Serres, secrétaire général de l'association, le 14 avril, à l'occasion d'une conférence de presse d'Alerte sur la paupérisation des aînés. Le collectif, qui surveille les effets de la crise sur les plus pauvres, s'est aperçu, qu'à rebours des idées reçues, la situation socio-économique des personnes âgées ne s'améliore plus. « Les dépenses de logement, d'énergie et de produits de première nécessité ont augmenté, et malgré la revalorisation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), celle-ci reste en dessous du seuil de pauvreté (1) », insiste Olivier Brès, président d'Alerte.
Sur le terrain, les associations membres du collectif confirment cette paupérisation : « On dénombre indiscutablement plus de personnes âgées dans les files des soupes de nuit », note Eric Yapoudjian, directeur de programmes à la Fondation Armée du Salut ; tandis que Jean Caël, responsable « Personnes âgées » au Secours catholique voit apparaître un nouveau public : « Des retraités qui avaient tout juste suffisamment pour vivre et qui, par solidarité familiale, recueillent chez eux leur fils ou leur fille au chômage. » Il ajoute que la part des personnes âgées dans le baromètre de la pauvreté de l'association ne cesse d'augmenter depuis 2007.
Aux Petits frères des pauvres, les bénévoles signalent deux types de publics à la situation particulièrement préoccupante : les 55-65 ans, qui entrent dans l'isolement par la pauvreté (chômage, perte d'estime de soi...), et les 75-85 ans, qui entrent dans la pauvreté par l'isolement (perte du conjoint, maladies...). Ces derniers méconnaissent en outre les aides auxquelles ils ont droit. « Leurs conditions d'accès sont si compliquées que sans l'accompagnement d'un tiers, beaucoup y renoncent. Pauvreté et isolement s'entraînent donc dans un cercle vicieux », affirme Jean-François Serres.
En plus des personnes âgées actuellement en situation de précarité, Alerte s'inquiète de celles qui le deviendront. « Cette situation de paupérisation d'une fraction des retraités devrait s'amplifier dans les prochaines années avec l'arrivée à la retraite de salariés ayant connu des périodes de chômage », note Gilles de Labarre, président de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC). Des aléas de carrière qui n'avaient pas été anticipés lors de la mise en place du système de retraite français en 1945. « Au chômage, on acquiert certes des droits, mais le revenu annuel baisse et les droits futurs également », précise-t-il.
Les conséquences de précédentes réformes des retraites commencent d'ores et déjà à se faire sentir. A l'heure où une nouvelle refonte se profile, Alerte demande au gouvernement une réflexion de fond, prenant notamment en compte la situation des plus pauvres et l'allongement de l'espérance de vie. Le collectif réclame également un relèvement des minima sociaux.
(1) Le montant de l'ASPA est, pour une personne seule, de 708,95 € par mois depuis le 1er avril, tandis que le seuil de pauvreté était, en 2007, fixé à 908 € par mois pour une personne seule.