Certains ont boycotté les « états généraux de l'enfance », d'autres espèrent s'y faire entendre. Pourquoi cette troisième voie ?
Alors que les conclusions des états généraux semblent déjà prévisibles, il nous paraissait nécessaire d'énoncer les constats d'une non-politique en direction des enfants pour contester au gouvernement la légitimité d'un discours en leur faveur. Dans cet objectif, nous allons constituer un état des lieux, secteur par secteur et à toutes les étapes de la vie des enfants, des orientations qui desservent leur cause : la fermeture des maternités de proximité, l'entretien du quatrième mois détourné à des fins de contrôle social, les menaces qui pèsent sur les services de pédopsychiatrie, d'accueil de la petite enfance, sur les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, l'assèchement de la santé scolaire, de la PMI, annexée à l'aile sanitaire de la protection de l'enfance, l'approche prédictive de la prévention, le désengagement de l'Etat envers le tissu associatif, l'indigence de la prise en charge des enfants handicapés, la pénalisation de l'enfance, l'accroissement des difficultés sociales, la séparation des familles sans papiers... Nous voulons mettre en évidence la représentation dominante de l'enfant aujourd'hui, qui est perçu soit comme une menace, soit comme un organisme à façonner, avec pour constante une obsession gestionnaire qui se substitue à tout projet pour lui et sa famille.
Vos alertes ne se limitent donc pas à l'aspect sécuritaire des politiques...
Nous allons bien au-delà en voulant mettre au jour les ressorts de cette non-politique : la stigmatisation des familles, la remise en cause des pratiques et des métiers au profit de protocoles standardisés et du fichage d'informations en lieu et place de tout accompagnement de ceux qui vont mal comme de ceux qui vont bien. Cette logique va de pair avec la réduction des effectifs, des financements, un souci de normalisation et de performance. Une fois que nous aurons dénoncé l'inacceptable, nous proposerons des réponses et des alternatives émanant des professionnels et des familles.
Comment allez-vous les élaborer ?
Parce qu'il y a une déconnexion totale entre les instances de décision et les acteurs de terrain, à savoir les chefs de services mais aussi les départements, les décideurs méconnaissent les pratiques existantes qui fonctionnent bien et prennent des dispositions qui vont à leur encontre. Les organisateurs des « états généreux pour l'enfance » vont rédiger, secteur par secteur, des cahiers de doléances qui synthétiseront nos constats, nos propositions et s'appuieront aussi sur les observations du Comité de l'enfance de l'ONU de juin 2009. Ils seront rendus publics au moment où le gouvernement conclura ses états généraux, au mois de mai, et, au cours d'un événement médiatique, portés à la connaissance du président de la République, des parlementaires, des élus locaux, de la défenseure des enfants et du médiateur de la République.
Vous avez déjà une idée de leur contenu...
Oui, car les organisations participant à la démarche ont déjà fait ce travail ! La plupart ont déjà tenté de travailler avec le gouvernement, ont siégé dans des commissions, y compris parmi celles qui participent aux « états généraux de l'enfance » ou celles qui ont décidé de ne pas y contribuer. Pour la première fois, nous allons les rassembler dans un document commun pour tous les champs de l'enfance.
Quelles suites attendez-vous ?
Sur le terrain, les professionnels et les associations n'en peuvent plus de voir leurs interventions mises à mal et leur connaissance des problèmes déniée. Il s'agit de rendre visibles leurs apports, avec le souhait de construire un outil d'aide à la décision que le gouvernement ne pourra pas ignorer.
(1) Parmi lesquelles l'Appel des appels, l'ANAS, l'Anapsy.p.e, les CEMEA, la Confédération syndicale des familles, la Fédération des CMPP de France, la LDH, MP4-Champ social, Pas de zéro de conduite, RESF, le SNMPMI, l'UFNAFAAM, l'Uniopss, World association for infant mental health-francophone... - Voir