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Lutte contre l'absentéisme scolaire : les vieilles recettes ressurgissent

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Le serpent de mer de la suppression des allocations familiales réapparaît. Ainsi, le 24 mars, après les régionales, Nicolas Sarkozy a promis de lutter contre l'absentéisme scolaire en réclamant des « sanctions effectives ». Lui emboîtant le pas, Luc Chatel, ministre de l'Education nationale, a annoncé le 28 mars que les préfets pourraient exiger cette suppression en cas d'absences répétées de l'enfant à l'école. Cette disposition pourrait faire l'objet d'un amendement à la Loppsi 2 (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure), qui a été adoptée en première lecture le 16 février par les députés, le gouvernement voulant aller « très vite ». Puis, le 29 mars, à l'occasion du séminaire des parlementaires de l'UMP, François Fillon a évoqué « les adolescents ingérables et récidivistes qui pourrissent la vie des établissements scolaires ». Il faut leur donner « la possibilité d'aller dans des établissements adaptés à leur situation », a-t-il précisé, indiquant que le gouvernement allait « commencer à mettre en place [ces structures] et poursuivre l'effort dans ce domaine ». Ce sujet devrait être évoqué lors des « états généraux de la sécurité à l'école », les 7 et 8 avril.

L'idée de la suppression des allocations familiales n'est pas nouvelle : dès janvier 1959, une ordonnance est venue subordonner leur versement à l'assiduité des enfants soumis à l'obligation scolaire, le décret d'application intervenant en février 1966. Ce dispositif a toutefois été abrogé par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Mais l'idée est revenue avec la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, qui a prévu la création d'un contrat de responsabilité parentale. De sa propre initiative ou sur saisine du chef d'établissement, du maire, du directeur de la caisse d'allocations familiales ou du préfet, le président du conseil général peut proposer ce contrat aux familles en cas d'absentéisme scolaire grave, de trouble au fonctionnement de l'établissement ou de tout autre difficulté liée à une carence de l'autorité familiale. Ce contrat vise à accompagner les familles et prévoit, « en cas de refus délibéré des parents » et « en ultime recours », une suspension des allocations familiales. Or les conseils généraux ne se sont guère saisis de cette possibilité (1). « A notre connaissance, très peu de contrats de responsabilité parentale ont été signés. Et aucun n'a conduit à la suspension des allocations familiales », indique-t-on à l'Assemblée des départements de France. En impliquant les préfets dans le dispositif, le gouvernement espère donc contourner le peu d'empressement des élus.

« Injuste et inefficace »

L'annonce de la mesure a suscité aussitôt des réactions indignées. De l'UNAF (Union nationale des associations familiales) tout d'abord, qui rappelle que la loi de 2004 avait supprimé le premier dispositif de suppression des allocations familiales au motif qu'il était jugé inefficace et inéquitable. « Cette sanction est injuste car elle cible le seul public des allocataires et risque d'aggraver les difficultés de certaines familles », souligne-t-elle. En outre, tous les dispositifs créés pour lutter contre l'absentéisme scolaire (médiateurs de réussite scolaire, contrats de responsabilité parentale...) ont-ils été évalués ?, est-ce bien d'une nouvelle loi dont on a besoin ?, s'interroge-t-elle. « Les présidents des conseils généraux en charge de l'aide sociale à l'enfance savent que cet absentéisme chronique des enfants trahit des difficultés familiales majeures auxquelles la simple suppression des allocations ne pourra pas répondre », s'agace Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny. « On voit donc qu'ici, comme sur d'autres thèmes, l'Etat et les conseils généraux gagneraient à se mettre autour d'une table et à élaborer une vraie stratégie de lutte contre l'absentéisme scolaire dont la sanction par le blocage des allocations familiales ne peut être qu'une solution extrême en bout de chaîne. »

Le magistrat et l'UNAF plaident donc pour le développement des mesures en amont : sensibilisation des enfants sur le sens de la scolarisation, soutien des parents et développement des réseaux d'aide à la parentalité, pour le premier ; dépistage précoce de l'absentéisme, repérage des expériences qui marchent dans les établissements scolaires, pour la seconde.

Quant à l'idée de placer les élèves perturbateurs dans des établissements adaptés, elle est jugée « peu sérieuse » par Jean-Pierre Rosenczveig. « L'exclusion est bien évidemment la pire des réponses. A qui fera-t-on croire que l'on va se doter en nombre et en qualité d'établissements spécialisés avec un taux d'encadrement important et donc un budget conséquent ? Où sont déjà les internats scolaires que depuis 20 ans tous les gouvernements de droite comme de gauche nous promettent ? »

Notes

(1) Voir aussi ce numéro, p. 32.

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