LIVRE

DEMI-TOUR À LA DEMI-LUNE. L'opération est risquée, le poète-rappeur a décidé de coucher ses mots par écrit. Abd Al Malik publie son deuxième livre. Après Qu'Allah bénisse la France ! (Ed. Albin Michel, 2004), voici La guerre des banlieues n'aura pas lieu. Le ton est donné en préambule : « Demandez-vous : comment auriez-vous réagi si vous étiez nous ? » « Nous », c'est Peggy, son frère, ses amis du quartier. Peggy est un jeune homme - le prénom était à la mode à l'époque de sa naissance, explique sa mère - qui sort de prison. « Comme après une longue marche, on se rend compte qu'on s'est trompé de chemin et que, malgré la fatigue, il est nécessaire de faire demi-tour », commente le narrateur, qui prend successivement la voix du personnage principal et de l'auteur. Peggy s'est converti à l'islam et, à sa sortie, il entreprend de se rendre tous les vendredis chez le nouveau médecin du quartier, Thomas « Sidi Aqil » Miniard, pour nous raconter l'« extraordinaire histoire » qui a mené ce docteur blanc à la religion. L'occasion pour le narrateur de retracer le passé de cette cité de l'est de la France, la Demi-Lune, et de ses habitants. Tandis que Peggy raconte « le chômage ou le RSA (c'est selon que tu sois procédurier ou pas) », « les petites conneries qui te gradent et celles qui mènent en prison », et la difficulté à sortir de l'image du voyou qui colle à la peau, la voix off prévient : à force d'être regardé comme un voyou, « vous finirez par le devenir »... Dommage que l'histoire de Peggy cède trop souvent la place à des passages pontifiants. Car, en dehors de ces parties, l'écriture est vive, l'affaire rondement contée et la cité de la Demi-Lune devient davantage le théâtre d'une épopée qu'un enjeu du débat social. Une manière de lui donner un autre visage.