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Gratification : les associations et les étudiants s'impatientent

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Face au silence de la direction générale de la cohésion sociale après la table ronde du 18 janvier sur l'alternance, les associations professionnelles et les étudiants dénoncent l'absence d'avancée sur la gratification et interpellent l'Etat. De leur côté, les centres de formation appellent à une mobilisation le 6 mai.

Plus de deux mois après la table ronde organisée par la direction générale de l'action sociale (devenue direction générale de la cohésion sociale) (1), les difficultés soulevées par la gratification des étudiants en travail social demeurent. « Nous avons pris acte qu'aucune avancée significative n'a été donnée à ce dossier. Sur le terrain, la situation des stagiaires s'est fortement dégradée en raison de l'extension des gratifications aux stages de deux mois et plus [contre trois mois auparavant] », constatent, dans un communiqué commun, les associations professionnelles (ANAS, ONES, FNEJE, France ESF) (2), auxquelles s'est joint le Collectif national d'étudiants en travail social (CNETS).

Un droit détourné

A l'appui de ce qu'elles avancent, les organisations font valoir les résultats de l'enquête qu'elles ont lancée fin décembre auprès des étudiants. 108 réponses (3) ont pu être exploitées. Il apparaît tout d'abord qu'aucun étudiant affirme ne pas avoir trouvé de stage. Mais ce constat positif - dû en grande partie à l'effort déployé par les formateurs - est aussitôt nuancé par le fait que beaucoup expliquent avoir dû renoncer à la gratification pour pouvoir avoir un terrain d'accueil. Premier cas de figure, certains centres de formation semblent recalibrer systématiquement la durée globale des stages, c'est-à-dire qu'ils allongent celle du stage long mais ramènent les stages d'observation de trois à deux mois. Ce réagencement des stages avait d'ailleurs été proposé par la DGAS lors de la table ronde du 18 janvier pour diminuer le coût de la gratification, mais il avait été rejeté par l'ensemble des participants, au motif qu'on risquait de dénaturer les stages d'observation. Autre cas de figure, les stages d'observation de trois mois sont scindés en deux « petits stages » non soumis à la gratification. Par ailleurs, quelques étudiants affirment, en marge du questionnaire, avoir signé des documents où ils s'engageaient à renoncer à la gratification.

L'enquête met également en évidence les disparités territoriales liées à la prise en charge ou non de la gratification par les conseils généraux (dont relèvent notamment la polyvalence de secteur et les établissements de protection de l'enfance) ou par les communes (qui participent au financement des structures de la petite enfance). « Il y a ainsi des trous dans les réponses », explique Jean-Marie Vauchez, président de l'ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés), qui a piloté l'enquête. Aucun étudiant breton n'a ainsi répondu au questionnaire, ce qui s'explique, selon lui, par une situation moins tendue qu'ailleurs en raison des partenariats existant entre les centres de formations et les conseils généraux. En revanche, il y a eu beaucoup de retours de la région Rhône-Alpes où il y a un déficit de l'offre de stages (4). Enfin, l'enquête fait remonter des interrogations : certains répondants ont le sentiment que leur statut d'étudiant est mis à mal par la gratification. Celle-ci accentuerait ainsi la tendance qu'avaient déjà certains établissements à utiliser des stagiaires en lieu et place des professionnels. D'autres étudiants se plaignent d'un déficit d'accompagnement lors de leur stage, ce qui renvoie aux relations difficiles entre les terrains de stage et les centres de formation et à la complexité de la mise en place de l'alternance. « Mais ces difficultés sont sans doute aiguisées par le temps passé par les formateurs à trouver des lieux de stage », commente Jean-Marie Vauchez.

Une formation au rabais ?

Au final, « les étudiants doivent se contenter de formations tronquées par une offre de stages réduite et ils constatent sur le terrain de fortes inégalités suivant leurs statuts [les bénéficiaires du régime d'assurance chômage ne sont pas concernés par la gratification] et en fonction de la nature du stage », concluent les associations et le collectif des étudiants. « C'est la qualité de la formation qui est en jeu, bon nombre d'étudiants choisissant un stage par défaut », dénonce Jean-Marie Vauchez. « Cette situation est inacceptable », jugent les organisations, qui s'étonnent du silence de la direction générale de la cohésion sociale alors qu'elle s'était engagée à revenir vers les participants de la table ronde. Interrogée par les ASH, celle-ci indique qu'elle attend les conclusions fin avril de la mission d'évaluation de l'impact de la réforme de la réglementation des stages initiée par la loi du 31 mars 2006, notamment dans le champ social et médico-social, confiée à l'inspection générale de affaires sociales et à l'inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la recherche. Par ailleurs, elle précise que la commission consultative professionnelle du travail social va mandater un groupe de travail pour réfléchir plus largement aux conditions d'une alternance de qualité. « Un travail de fond qui sera mené sur plusieurs mois. »

« Reste que si le problème des stages renvoie aux difficultés de l'alternance, la gratification pose des problèmes spécifiques et il y a urgence », estime Jean-Marie Vauchez. C'est ainsi que les quatre associations professionnelles et le CNETS ont adressé une lettre à Nicolas Sarkozy pour lui demander de tenir ses engagements annoncés le 24 avril 2009 dans le cadre de son discours sur l'emploi des jeunes ; le président de la République indiquait notamment que les stages ne devaient pas être synonymes de précarité. L'Aforts (Association française des organismes de formation et de recherche en travail social) avait engagé - sans succès - une démarche similaire en octobre 2009 auprès de Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, les cinq organisations ont demandé à être reçues par Marc-Philippe Daubresse, nouveau ministre de la Jeunesse et des Solidarités, et par Fabrice Heyriès, directeur général de la cohésion sociale. Déjà, sans attendre les suites de ces courriers, le CNETS organise une journée d'action le 31 mars dans plusieurs villes de France. Les étudiants iront manifester devant les préfectures pour obtenir la mise en oeuvre du droit à la gratification et affirmer leur attachement au principe de l'alternance « fondement de la qualité » de leurs formations.

De leur côté, l'Aforts et le GNI (Groupement national des instituts régionaux du travail social) ne sont pas inactifs. Ils appellent l'ensemble des acteurs à une mobilisation nationale le 6 mai prochain. L'objectif est de parvenir à la rédaction d'un livre blanc sur l'alternance et la professionnalisation des travailleurs sociaux, dont la gratification est un des éléments.

Notes

(1) Voir ASH n° 2643 du 22-01-10, p. 18.

(2) Association nationale des assistants de service social, Organisation nationale des éducateurs spécialisés, Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, France économie sociale et familiale. (3) Dont 72 pour les étudiants assistants de service social, 21 pour ceux éducateurs spécialisés, 15 pour ceux éducateurs de jeunes enfants.

(3) Voir l'enquête des ASH sur la pénurie de stages notamment dans cette région, n° 2644 du 29-01-10, p. 32.

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