LA MALTRAITANCE EN LUMIÈRE. Pédiatre et épidémiologiste spécialisée en traumatologie, Anne Tursz est ulcérée par la cécité, voire le déni, qui entoure la maltraitance envers les enfants. Non pas que cette violence fasse l'objet d'une omerta, mais parce qu'on ne dispose pas de données épidémiologiques fiables permettant d'en cerner l'importance, ni de stratégies efficaces pour en prévenir et/ou en stopper la perpétration. Sur le premier point, celui de la connaissance chiffrée du phénomène, l'auteure s'est déjà exprimée dans un ouvrage récent(1). On retrouve l'essentiel de la présentation qu'elle y faisait des institutions productrices de statistiques sur les mauvais traitements à enfants et de sa recherche sur la sous-estimation des homicides de bébés de moins de 1 an. Ce propos est ici mis en perspective dans une ample réflexion sur les moyens de détection et d'action à développer. Au coeur de ces derniers, le rôle-clé du système de santé : celui qu'il ne joue pas et qu'il pourrait/devrait jouer, aux plans préventif et curatif. En enquêtant sur les morts suspectes de nourrissons, Anne Tursz s'était rendu compte que, peu avant leur décès, nombre de ces tout-petits avaient été hospitalisés, parfois à plusieurs reprises, et/ou vus en consultation. A cet égard, le carnet de santé de J., mort à 6 mois du syndrome du bébé secoué, est aussi édifiant que terrifiant. Scrupuleusement tenu, ce document « relate les événements habituels du suivi d'un enfant sans problèmes » et ne fait état d'aucune inquiétude particulière pour le nourrisson, alors qu'à l'âge de 1 mois il a été ébouillanté dans son bain par sa mère et qu'à 5 mois son père lui a fracturé une jambe. Depuis 2009, aux Etats-Unis, la « pédiatrie de la maltraitance » est devenue une sous-spécialité de la pédiatrie, indique l'auteure. On est loin, en France, d'une telle prise de conscience.
Les oubliés. Enfants maltraités en France et par la France - Anne Tursz - Ed. du Seuil - 20 €