« Ancien cadre de l'industrie agroalimentaire, j'ai suivi en 2009 à Paris une formation spécifique afin de devenir mandataire judiciaire à la protection des majeurs - métier anciennement nommé «gérant de tutelle» et professionnalisé par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs - et obtenir ainsi le certificat national de compétence. Je suis depuis quelques mois titulaire de ce sésame m'autorisant à exercer cette profession, tout comme les 25 autres membres de ma promotion.
Ce sésame a pourtant pour nous un goût amer. Au moment de la parution de la loi du 5 mars 2007, puis des textes relatifs à cette profession (3), nous avons accueilli favorablement la nouvelle organisation proposée et la rupture avec la précédente loi de 1968, ce qui nous a conduits à choisir cette voie : les portes de cette profession nous semblaient largement ouvertes au regard de cette refondation.
Un an après l'entrée en vigueur de cette loi, effective au 1er janvier 2009, qu'en est-il ? Les DDASS et DRASS (4) restent sourdes à nos demandes d'agrément, lequel nous permettrait d'être inscrits sur la liste tenue à jour par les préfectures. Elles s'abritent systématiquement derrière un schéma directeur régional des activités tutélaires en cours d'élaboration. Elles suivent, il est vrai, les consignes données en août dernier par la direction générale de l'action sociale aux préfets de région, leur demandant que l'élaboration de ce schéma précède tout agrément et leur donnant six mois pour le réaliser (5). D'après nos informations, seul celui de la région Midi-Pyrénées est disponible, la plupart des autres devant plutôt être achevés fin 2010.
A ce jour donc, aucun membre de notre promotion n'exerce à titre individuel. Notons au passage que ce sont ces mêmes DRASS qui habilitent les écoles qui forment la nouvelle génération de mandataires. Etrange également le fait que les gérants de tutelle actuellement en activité continuent de se voir confier des mesures de la part des tribunaux d'instance, mesures qui proviennent, entre autres, de leurs collègues qui cessent leur activité car confrontés aux exigences liées à l'obtention du certificat national de compétence.
On a donc conçu de toutes pièces une formation sanctionnée par un diplôme de niveau II pour rien ! Et l'on envoie ainsi dans le mur tout un lot de personnes souhaitant donner un nouvel élan à leur carrière. Nous avons une véritable expertise et l'obtention du certificat le prouve. Mais nous sommes dans l'incapacité d'exercer notre activité et de nous installer. Et les écoles continuent de former des mandataires judiciaires (une voire deux sessions par an et par école) pour en faire des chômeurs !
Ma promotion est composée de professionnels issus des métiers de la justice, du notariat, de la gestion ou de l'accompagnement social. Ses membres ont choisi délibérément de changer de métier afin de mettre à profit leur expérience et d'en faire profiter ceux qui aujourd'hui sont écartés au regard de leur handicap, de leur déficience ou de leur âge. Nous constatons cependant que les administrations sociales nous ignorent, tout comme nos aînés qui ne voient en nous qu'une concurrence, alors que plusieurs de leurs membres nous ont enseigné au sein des écoles une partie de ce que nous savons aujourd'hui.
Nous cherchons aujourd'hui à nous faire entendre par le biais, dans un premier temps, d'un collectif national.
Pour plusieurs d'entre nous, qui ont tout misé sur cet avenir, le paradoxe est cruel car nous allons devenir très rapidement plus vulnérables socialement que les personnes que nous sommes censés protéger. »
(1) Sur cette réforme, voir le supplément juridique des ASH livré avec ce numéro.
(2) Contact :
(4) Les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales sont en train de se transformer en directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et en directions départementales de la cohésion sociale - Voir ASH n° 2644 du 29-01-10, p. 55.