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Vers un nouveau cadre pour l'investigation

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Alors que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse envisage une mesure d'investigation « unique modulable », les associations s'inquiètent de l'abandon des propositions - formulées au sein d'un groupe de travail en 2008 - qu'elles ont soutenues pour faire évoluer la mesure. Une circulaire d'orientation est annoncée pour le printemps.

Quel avenir pour les mesures d'investigation, objet d'une réflexion depuis six ans au sein du secteur associatif habilité ? Alors que l'administration constatait une tendance des magistrats à favoriser le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE), court et succinct, au détriment des mesures plus longues et approfondies, un groupe de travail sur l'aide à la décision des magistrats, réunissant des représentants de la PJJ, de l'Unasea (1), de la FN3S (Fédération nationale des services sociaux spécialisés de protection de l'enfance et de l'adolescence en danger) et de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), avait en 2008 conclu à la nécessité de maintenir l'actuelle mesure d'investigation et orientation éducative (IOE). Il proposait également une enquête sociale « redynamisée ». Mais en 2009, changement de programme. « La DPJJ a décidé de proposer une nouvelle mesure rassemblant l'IOE et l'enquête sociale et qui comporterait un socle commun et un élément modulable », explique Didier Villain, administrateur de la FN3S (2). Les « éléments incontournables » dans toute mesure ayant été définis par les associations et la PJJ, des groupes de travail devraient prochainement se réunir sur cette partie « modulable » ainsi que sur l'aspect financier et organisationnel.

Selon la DPJJ, une circulaire d'orientation est d'ores et déjà prévue pour le printemps. Dans l'attente de précisions, les associations restent prudentes : « Nous sommes prêts à faire évoluer l'investigation - nous avions d'ailleurs travaillé à cette question -, mais pas à n'importe quel prix. Nous tenons à maintenir la dynamique qui repose sur la mise en lien avec la famille », commente Didier Villain. Les associations s'interrogent en effet sur de nombreux points, notamment sur la durée de la mesure unique envisagée. « Pourquoi le travail effectué en 2008 n'a-t-il pas été pris en compte ? pourquoi se précipiter alors qu'une réforme de l'ordonnance de 1945 est en cours et que l'impact de la réforme de la protection de l'enfance doit encore être analysé ? », ajoute Patrick Martin, président de la commission « enfance, jeunesse, justice » de l'Uniopss. Autant de questions que les fédérations devraient poser au directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, Philippe-Pierre Cabourdin, lors d'une rencontre prévue sur les travaux en cours le 15 avril.

En attendant, la direction de la PJJ a réalisé une étude sur l'évolution de l'activité des mesures d'investigation entre 2001 et 2008, qui, selon elle, doit alimenter la réflexion. Le document tente d'analyser les nouvelles tendances dans la prescription des magistrats, au regard des changements dans les politiques publiques. Durant cette période, malgré des fluctuations, le volume global a augmenté de 5,3 % avec 83 307 mesures en 2008 (dont plus de la moitié au pénal).

Depuis 2004, les investigations au civil déclinent : en 2008, leur nombre est de 41 339, tandis que les mesures prises au titre de l'ordonnance de 1945 atteignent 41 968. Alors qu'entre 2001 et 2008, le nombre de RRSE a progressé de 14 %, les enquêtes sociales ont baissé régulièrement : de 13 571, elles sont passées à 10 278 mesures (-24 %). Les IOE, quant à elles, sont passées de 22 845 à 24 790 mesures (+ 8,51 %). « L'investigation de type IOE de longue durée reste nécessaire dans certains cas qu'il appartiendra au magistrat de préciser ; dans le schéma de la future mesure unique modulable, ce type de mesure peut être envisagé sans pour autant que son recours devienne systématique », suggère l'étude.

Autre constat : le nombre de situations de mineurs en danger dont le juge a été saisi a chuté de 15,5 % entre 2004 et 2008. La proportion, sur ces saisines, de demandes d'aide à la décision, a augmenté jusqu'en 2007 (48,4 %) pour s'effondrer brutalement en 2008 (43 %). En matière pénale en revanche, la demande d'aide à la décision des magistrats est en croissance régulière, avec un ratio qui est passé de 39 % à 53 %. Plus de 90 % des mesures prises dans le cadre de l'ordonnance de 1945, néanmoins, sont des RRSE. Les deux autres catégories de mesures - l'IOE et l'enquête sociale - sont quant à elles essentiellement utilisées au civil.

Ainsi, en 2008, les RRSE représentent 58 % des mesures et les enquêtes sociales et les IOE 42 %. Le secteur public reste l'opérateur principal (85 % au pénal et 15 % au civil), tandis que le secteur associatif habilité réalise le plus grand nombre d'investigations au titre de l'assistance éducative (60 % des interventions). Aussi, « la baisse d'activité d'investigation subie par le secteur associatif habilité [- 15,8 % en trois ans] ne résulte pas d'une redistribution au profit des services du secteur public » défend l'étude, mais d'une chute des saisines des magistrats au civil (3).

A partir de ces constats, le document suggère des pistes d'évolution. Si l'activité au civil diminue, en raison de la déjudiciarisation de la prise en charge des enfants en danger et des processus de signalement, nouvellement renforcés par la réforme de la protection de l'enfance, « la question du RRSE civil aujourd'hui sans fondement juridique devrait trouver une réponse dans le cadre de la mesure unique modulable ». Alors que l'activité pénale est la plus importante en nombre, avec une majorité de mesures sommaires (le RRSE), le futur code de justice pénale des mineurs pourrait changer la donne : la constitution d'un « dossier unique de personnalité pour ces mineurs » pourrait « modifier la quantité comme la qualité des investigations attendues au pénal ».

Notes

(1) Devenue Convention nationale des associations de protection de l'enfant.

(2) Voir ASH n° 2623 du 11-09-09, p. 28.

(3) La PJJ répond ici à une critique du secteur associatif - Voir ASH n° 2593 du 23-01-09, p. 22 et p. 29.

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