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Un modèle reconnu mais fragile

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Multi-partenariales et ouvertes sur la ville, les maisons des adolescents - dont les IVes journées nationales se sont achevées le 19 mars à Nantes - permettent une prise en charge globale des jeunes en souffrance. Pourtant, si leur déploiement sur le territoire est encouragé par l'Etat depuis 2004, elles doivent aujourd'hui, dans un contexte de réduction budgétaire, être en capacité d'évaluer leur action.

«L'adolescent, ni enfant, ni adulte, est longtemps resté le grand oublié des politiques publiques », estimait Dominique Versini, défenseure des enfants, dans une étude de 2007 intitulée Adolescents en souffrance, plaidoyer pour une véritable prise en charge (1). Pointant le nombre de décès par suicide de ces jeunes (plus de 600 par an), elle saluait la volonté de l'Etat de créer une maison des adolescents (MDA) par département, « l'une des décisions des plus novatrices et de plus grande ampleur en faveur des adolescents ». En effet, dès 2002, la défenseure des enfants de l'époque, Claire Brisset, avait préconisé, dans un rapport annexe (2), de généraliser ce type de structures, dont la première avait été ouverte au Havre (Seine-Maritime) en 1999. L'idée fut reprise en 2004 par la conférence de la famille, qui aboutit à la rédaction d'un cahier des charges des MDA avant qu'un premier appel à projets ne soit lancé par le gouvernement en 2005.

Le cahier des charges, toujours utilisé aujourd'hui, rappelle en préambule que huit adolescents sur dix n'éprouvent pas de difficultés particulières. Mais « ceux qui souffrent doivent être accompagnés et bénéficier d'un suivi ». Or, si de multiples structures existent, une approche et une aide pluridisciplinaires apparaissent nécessaires, explique le document, qui assigne cinq objectifs aux MDA : prendre soin des adolescents en leur offrant les prestations les mieux adaptées, leur fournir des informations, des conseils, une aide au développement d'un projet de vie, favoriser leur accueil en continu par des professionnels divers, garantir la continuité et la cohérence des prises en charge et enfin constituer un lieu-ressources sur l'adolescence dans un territoire donné.

Ces structures s'adressent à trois publics : les adolescents, leurs familles, et les professionnels qui en ont la charge. Chaque projet de création doit s'appuyer sur un diagnostic des besoins du territoire et de l'offre tant publique que privée en faveur de cette tranche d'âge. Les maisons des adolescents doivent être organisées comme des structures ouvertes où les adolescents peuvent se rendre de manière anonyme et gratuite. Elles doivent répondre aux missions principales que sont l'accueil, l'écoute, l'évaluation des situations, la prise en charge médicale et l'accompagnement éducatif, social et juridique. Leur implantation géographique doit, enfin, être choisie de façon à ce qu'elles soient aisément accessibles, avec des plages horaires souples et adaptées.

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, la mise en place de ces structures révèle une grande disparité de situations. Tout d'abord, leur nombre exact apparaît difficile à déterminer. Alors que l'objectif était d'atteindre une maison par département, soit une centaine de structures d'ici à 2010, le ministère de la Santé ne recensait que 65 projets financés dans 57 départements à la fin de l'année 2009. S'agissant de l'appel à projets 2010, 34 dossiers ont été transmis au ministère et sont en cours d'analyse. De son côté, l'Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA) recense 50 structures en activité (3) « Certaines existent mais sont en attente de financement, d'autres viennent d'obtenir des fonds mais n'ont pas encore ouvert », explique son président Alain Fuseau, directeur de la MDA du Havre. Selon un rapport sur les maisons des adolescents réalisé par deux conseillers généraux des établissements de santé en février 2009 (4), « il n'existe pas de registre unifié » des MDA permettant de les recenser de manière exhaustive. Plusieurs raisons peuvent, selon eux, expliquer la non-ouverture de certaines maisons : partenariats de départ qui se sont délités avec le temps, absence de convention écrite entre les partenaires, enjeux de pouvoir entre les institutions ou résistance au changement, problèmes de recrutement de certaines catégories de personnel (psychiatres, personnels infirmiers) ou encore difficulté à trouver des locaux adaptés.

Des promoteurs divers

Ce panorama peu unifié des MDA s'explique également par la diversité de leurs promoteurs. Selon le cahier des charges, il peut s'agir d'établissements de santé, d'associations ou de collectivités locales. A Nantes, par exemple, la maison des adolescents a pris la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), réunissant le conseil régional, le conseil général, Nantes métropole, la ville de Nantes et la préfecture (5). A Paris, la Maison de Solenn, née en 2004, est un service de l'hôpital Cochin, qui dépend de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). La MDA de l'Isère, éclatée en trois sites, a été fondée par le conseil général et par le centre hospitalier de Saint-Egrève, sans statut juridique propre. Enfin, celle de La Rochelle a été créée sous la forme d'une association par deux associations et un hôpital. Dans leur rapport de février 2009, les conseillers généraux des établissements de santé constatent toutefois un « quasi-monopole » des établissements hospitaliers parmi les promoteurs. Ils notent un « moindre intérêt » des collectivités territoriales pour la création de ces structures « à quelques notables exceptions près » et un « faible » intérêt du milieu associatif pour la situation de promoteur.

La variété des statuts juridiques et des porteurs de projets influe sur l'identité de ces établissements. « Si l'on devait caricaturer, certaines MDA auront une coloration plus sanitaire car fondées par un hôpital, celles fondées par un conseil général une coloration plus sociale et le modèle idéal serait un modèle mixte, qui allie dès le départ ces deux promoteurs », résume Alain Fuseau. Directrice de la Maison de Solenn à Paris, Marie Rose Moro juge néanmoins indispensable le rattachement à un établissement hospitalier. « Il ne faudrait pas que les MDA s'apparentent à un empilement de structures sans lien avec le sanitaire, prévient la pédopsychiatre. Sinon, on risque de faire du saupoudrage et de concurrencer des services qui existent déjà comme les points d'information jeunesse. »

Cette diversité s'observe également au niveau des tranches d'âge. A Nantes, la MDA reçoit des jeunes de 11 à 21 ans. « Cela correspond aux années collège et lycée, mais aussi aux premières années d'études supérieures, comme les classes préparatoires qui peuvent être déstabilisantes », explique son directeur, Patrick Cottin. A Paris, la Maison de Solenn s'adresse aux jeunes de 12 à 18 ans. Dans l'Isère comme dans le Calvados, les structures accueillent les jeunes de 12 à 21 ans, tandis que la MDA de La Rochelle reçoit les jeunes de 12 à 25 ans. « On observe une tendance à l'allongement de la prise en charge car on reste adolescent de plus en plus tard », note Françoise Guengard, directrice des projets à la Fondation hôpitaux de Paris-hôpitaux de France, qui finance une partie de ces structures (voir encadré, page 31). Les rapporteurs du ministère de la Santé estiment nécessaire de définir un « coeur de cible » des MDA dans une tranche d'âge allant de 11-12 ans jusqu'à 19-20 ans, tout en reconnaissant la possibilité d'une « attitude d'ouverture et d'écoute quel que soit, à quelques mois ou années près, l'âge de l'usager ».

Au-delà de ces disparités, les rapporteurs constatent que ces structures « répondent indéniablement à un besoin au sein du dispositif de prise en charge des adolescents » et citent Marcel Rufo, pédopsychiatre à Marseille et ancien directeur de la Maison de Solenn, pour qui leur originalité « réside dans le fait qu'elles proposent une prise en charge globale de l'adolescence, car il s'agit plus d'une médecine du sujet dans un statut - psychosocial, affectif, voire médical - que d'une prise en charge spécialisée, par organe ou maladie. L'adolescent doit retrouver dans ces lieux tous les moyens de construire son avenir. » Pour Alain Fuseau, « le premier mérite des MDA est d'exister, c'est-à-dire de manifester la reconnaissance, au niveau local et national, que l'adolescence est une période spécifique avec des modalités de souffrance particulières qui ne relèvent pas d'un seul registre ». Le pédopsychiatre Patrice Huerre dresse le même constat : « Il existait déjà des réponses satisfaisantes mais les maisons des adolescents ont l'avantage de sensibiliser les équipes qui n'y prêtaient pas suffisamment attention. »

« Ni foyer, ni hôpital »

« Toutes les maisons ouvertes ont eu un succès et une montée en puissance très rapide », observe Françoise Guengard, quand Patrick Genvresse, directeur de la MDA de Caen, salue la « désinstitutionnalisation » proposée aux adolescents. « Je suis très étonné par la façon dont ils se sont saisis du dispositif alors qu'ils rejettent habituellement ce qui leur est proposé. Sans doute parce nous ne ressemblons ni à un foyer, ni à un hôpital », ajoute-t-il. A Paris, Marie Rose Moro se félicite de l'engouement des familles : « Nous sommes même complètement dépassés par la demande. » Ses 20 lits d'hospitalisation à temps plein sont occupés en permanence (6), la durée de séjour d'un jeune variant de 15 jours à six mois pour les troubles du comportement alimentaire. Les délais d'attente pour une consultation sont d'environ deux mois, et de six mois pour une hospitalisation.

L'intérêt des MDA réside également dans la diversité de leurs propositions en faveur des adolescents et leur adaptabilité aux besoins du territoire. « L'avantage est de pouvoir rajouter des choses ou d'en enlever selon les besoins, renchérit Alain Fuseau. A notre ouverture, en 1999, on avait peu pris en compte la question des parents. Aujourd'hui, on fait de la guidance parentale. » Au fur et à mesure de leur création, les maisons des adolescents ont « apporté de nouvelles idées », comme une consultation juridique en lien avec des avocats, l'ouverture d'une antenne du Planning familial ou encore une consultation de prévention du tabagisme. Les MDA peuvent aussi mettre l'accent sur des problématiques spécifiques, comme la prise en compte des migrations à Bobigny (Seine-Saint-Denis), via un regard clinique « métissé » mêlant anthropologie, histoire et psychopathologie de l'adolescent (7).

Autre exemple, dans le Calvados, la MDA de Caen, créée conjointement par l'hôpital psychiatrique et l'Association départementale de l'enfance et de l'adolescence (ADSEA), possède depuis 2008 un enseignant spécialisé à temps plein, mis à disposition par l'inspection académique, intégré à l'équipe d'éducateurs et d'infirmiers. « En contrepartie, on apporte un soutien technique et pratique aux équipes éducatives des collèges et des lycées », explique Patrick Genvresse. L'enseignant spécialisé intervient à différents niveaux : réaliser des évaluations pédagogiques, conseiller les parents et les jeunes sur des questions de réorientation, animer des groupes classes ou des séances de remise à niveau individuelles pour des adolescents déscolarisés, les accompagner lors de leur retour au collège ou au lycée, participer à des actions de prévention dans les établissements scolaires, etc. Pour le directeur, « cet apport de compétences spécifiques permet de mélanger et de compléter les regards sur l'adolescent ».

La MDA de La Rochelle a, pour sa part, mis l'accent sur l'accompagnement des familles. Elle propose des entretiens pour les parents, en présence ou non de leurs enfants. « Certaines MDA sont plus distantes vis-à-vis des familles, note François Vermersch. Ici, nous travaillons autant avec les gens qui gravitent autour du jeune qu'avec ce dernier. » L'accompagnement des parents ayant besoin de soutien peut s'opérer en deux ou trois entretiens. Mais un accompagnement familial plus structuré, réunissant les parents et leurs adolescents, peut durer une année à raison d'un rendez-vous toutes les deux ou trois semaines. Il est alors mené par deux professionnels en co-intervention, « éventuellement à l'aide d'une glace sans tain pour que l'un des deux aide celui qui est en séance à repérer ce qui se passe ». Ces intervenants familiaux (éducateur, infirmière...) ont été formés à l'approche systémique. « Celle-ci tient compte de l'environnement et utilise le symptôme pour voir quel problème est caché derrière », précise François Vermersch. Depuis mars 2009, 120 familles ont été reçues au cours de 330 entretiens de thérapie familiale et 53 parents ont bénéficié de 67 entretiens de soutien. Dans la Maison de Solenn, des groupes de parole pour les parents et pour la fratrie de l'adolescent qui va mal ont notamment été mis en place.

Mais les MDA sont aussi un formidable lieu d'observation de l'adolescence et de ses maux. Comme le rappelle Patrice Huerre, « les adolescents d'aujourd'hui ne se portent pas plus mal que ceux d'hier et même plutôt mieux ». En revanche, les modes d'expression de leurs souffrances ont évolué avec le temps. Angoisses scolaires, conflits familiaux, addictions, troubles alimentaires sont régulièrement mis en avant par les professionnels. Patrick Genvresse constate une « augmentation des troubles du comportement qui se situent dans le registre de la dépendance. Comme si les adolescents avaient besoin d'un autre ou d'un substitut pour vivre, ils ont en permanence la crainte d'être abandonnés et de vivre seuls, ce qui se traduit par des atteintes au corps, des tentatives de suicides, un repli à la maison, des troubles du comportement alimentaire et une consommation de produits. » Au sein de la Maison de Solenn, une unité de recherche de l'Inserm sur la psychiatrie de l'adolescent planche actuellement sur la prise en charge des patientes anorexiques.

La montée des « phobies scolaires », bien que ce terme soit discuté, semble unanimement constatée par les MDA. Le décrochage scolaire, physique ou psychique, et la transgression des règles de vie des établissements scolaires ne sont pas des problèmes nouveaux, précise Patrice Huerre, « mais ce phénomène rajeunit et s'amplifie après 16 ans, au terme de l'obligation scolaire ». Pour Elisabeth Gautier, pédopsychiatre et responsable de l'espace santé de la MDA de l'Isère, cette question n'est pas qu'un « problème d'école, d'adolescents mal orientés ou agressés par la pression scolaire. Elle a aussi un lien avec les troubles de l'attachement entre parents et enfants. » D'où l'intérêt d'une prise en charge multi-partenariale. Un groupe d'échanges de pratiques sur les jeunes qui ne trouvent pas leur place dans la scolarité, réunissant médecins, assistantes sociales, animateurs, conseillers principaux d'éducation ou mission locale, a d'ailleurs été mis en place dans un des sites de la MDA iséroise (voir encadré ci-dessous).

Réunir des interlocuteurs différents

Si leur utilité ne semble plus à démontrer, les maisons des adolescents demeurent néanmoins fragiles. Tout d'abord, leur développement sur le territoire se révèle plus lent que prévu, et l'objectif d'une MDA par département en 2010 est loin d'être atteint. « La création d'une MDA ne va pas de soi, rappelle Françoise Guengard. Cela nécessite de réunir des interlocuteurs aux fonctionnements très différents. Parfois, les équipes mettent du temps à bien collaborer avant de monter un dossier. » Dans leur rapport de février 2009, les conseillers généraux des établissements de santé font état de nombreux « problèmes de gouvernance quelquefois masqués par des questions protocolaires ». Pour dépasser ces difficultés, ils suggèrent la co-signature par toutes les parties d'un « document d'intention » dès les premières rencontres institutionnelles et la désignation d'un comité de pilotage et d'un coordinateur ou chef d'orchestre chargés de la mise au point définitive du projet.

Une fois la MDA ouverte, la gestion du partenariat n'en est pas moins complexe. A Nantes, Patrick Cottin a toujours pu compter sur « une bonne articulation politique et technique entre les champs du social, du médico-social et du sanitaire ». Néanmoins, une période d'ajustement de plusieurs mois a été nécessaire pour « mettre au travail dans un même endroit des professionnels aux origines institutionnelles différentes. Il a fallu apprendre à regarder les difficultés du jeune de manière partagée et nommer les choses de la même façon, sans perdre notre identité professionnelle. » Alain Fuseau reconnaît qu'il faut « beaucoup d'énergie » pour faire cohabiter des équipes pluri-professionnelles dans un même lieu. « Il faut instaurer de toutes pièces une philosophie commune », abonde Patrick Genvresse.

Mais le principal sujet d'inquiétude des MDA n'est autre que leur situation financière. Les rapporteurs du ministère de la Santé pointent « des financements multiples mais pas forcément pérennes ni suffisants ». Alors que nombre de MDA fonctionnent grâce à la mise à disposition de personnels par d'autres institutions (Education nationale, Justice, collectivités locales), les auteurs constatent que « leur caractère non pérenne est souvent source d'insécurité ». Quant aux crédits issus de l'ONDAM (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) hospitalier, ils ne peuvent, à eux seuls, « assurer le financement de l'équipe de base indispensable à l'ouverture d'une maison des adolescents ». Pour Alain Fuseau, « il est de plus en plus compliqué de monter une MDA car l'effet de mode est retombé et les financements publics se réduisent. Or créer une maison des adolescents a minima n'a aucun intérêt. » Les MDA déjà ouvertes souffrent aussi du manque de moyens. « Nous sommes sous-dimensionnés par rapport aux projets que nous souhaitons mener, confie Elisabeth Gautier. En plus de notre travail clinique, nous sommes obligés d'assurer des tâches administratives comme la recherche de fonds ou l'organisation d'événements. » A La Rochelle, François Vermersch a le sentiment que sa structure « vit au jour le jour ».

Pour affirmer leur légitimité et assurer leur avenir, les MDA doivent aujourd'hui mieux rendre compte de leur travail. Le rapport Couty sur les missions et l'organisation de la santé mentale et de la psychiatrie paru en janvier 2009 estimait que « l'évaluation des pratiques et du fonctionnement des maisons des adolescents devra permettre de fixer les conditions d'une éventuelle généralisation de ces structures » (8). Or les procédures de mesure de l'activité des MDA sont jugées « embryonnaires » par les conseillers généraux des établissements de santé. Alors que la plupart des indicateurs utilisés sont quantitatifs - mesure de la file active, du nombre de consultations, d'entretiens ou de rencontres avec les parents -, les auteurs pointent « une grande pauvreté » des indicateurs qualitatifs et une « absence complète d'indicateurs d'efficience ». Alain Fuseau reconnaît cette nécessité de mieux mesurer l'activité des MDA : « C'est la question centrale qui nous traverse car notre crédibilité passe par là. »

D'autant qu'à l'heure où le ministère de la Santé engage une réflexion sur ces indicateurs en vue de proposer une forme de « labellisation » des maisons des adolescents, Alain Fuseau juge urgent d'ouvrir ce dossier au sein des MDA « pour éviter de se faire imposer des critères qui n'auraient pas de sens ». Reste que cette question n'est pas évidente dans une structure qui dépend de plusieurs tutelles (sanitaire, social, éducatif...) et dont l'activité se veut par essence « cousue main ». Parmi les pistes évoquées par Alain Fuseau, vérifier si les jeunes ont fait de nouveau appel à une structure spécialisée deux ans après leur prise en charge ou mesurer leur intégration sociale (projet de formation, vie active).

Autre écueil possible des MDA : la tentation de vouloir trop en faire. « Il faut être humble quand on s'occupe des adolescents, explique Alain Fuseau. On peut faire beaucoup mais pas tout. Il faudra encore imaginer des choses pour les jeunes errants, les grands précaires ou les migrants. » Par ailleurs, le risque serait « d'écraser les autres structures qui ont toute validité pour suivre les adolescents ». Patrice Huerre met lui aussi en garde contre les projets de « réponse à tout sur place » et préconise plutôt des « dispositifs valorisant les réponses existantes et facilitant leur accès ». Le pédopsychiatre est à l'origine d'une MDA dans le sud des Hauts-de-Seine dont l'objectif est de coordonner les actions menées sur le territoire envers les adolescents par les acteurs sanitaires, judiciaires, éducatifs, culturels, etc. Cette association n'accueille pas les adolescents dans un espace dédié « car beaucoup de lieux existent déjà », mais elle est pensée comme un « chef d'orchestre » qui disposera bientôt d'un site Internet pour faciliter les échanges d'informations. Patrick Genvresse croit beaucoup à la notion de mise en lien : « Les MDA du futur vont sans doute se développer du côté du virtuel. Je pense à un site Web de prévention du suicide créé par un collègue belge et j'ai été étonné par la façon dont les jeunes pouvaient se porter secours. » Virtuel ou réel, Alain Fuseau prédit, malgré les difficultés, « un avenir florissant » aux MDA. « On ne pourra plus s'en passer. »

« PRENDRE SOIN DU SYMPTÔME » À NANTES

Couleurs vives, ordinateurs en libre accès, fauteuils confortables... La maison des adolescents de Nantes (9), au coeur du centre-ville, se veut des plus chaleureuses. Depuis son ouverture en février 2007, elle a reçu 1 445 jeunes venus seuls ou accompagnés et 435 parents ou professionnels. Parmi les jeunes, 1 079 ont été reçus en entretien. La majorité d'entre eux sont des filles (54 %) et la tranche d'âge principale est celle des 14-17 ans (58 % des cas). La plupart sont au collège ou au lycée (7 1%) et 9 % sont étudiants, tandis que 7 % sont déscolarisés. Les raisons de leur venue à la MDA sont liées dans 59 % des cas à des conflits familiaux, 30 % à des problèmes de scolarité. Par ailleurs, 42 % des jeunes éprouvent un sentiment de stress, de déprime, 6 % abordent le thème du suicide et 6 % des filles ont subi des agressions sexuelles.

Les accompagnants sociaux chargés de recevoir les adolescents en entretien, à plusieurs reprises si nécessaire, ont été formés à une posture bien particulière : celle de « prendre soin du symptôme car c'est une façon pour le jeune de traiter sa souffrance », explique le directeur, Patrick Cottin. En clair, la consommation de cannabis peut cacher un malaise plus profond et il ne suffit pas de traiter cette addiction pour que le jeune aille mieux. « On essaie de faire comprendre aux parents, à l'école et au jeune les positions subjectives de chacun, poursuit Patrick Cottin. Il est difficile de faire comprendre à l'entourage que cela prendra du temps et que pour l'instant, le jeune ne peut pas faire davantage. Ce n'est pas pour autant qu'on ne dit pas qu'il va droit dans le mur, mais parfois, la conduite à risque est un moyen pour lui de ne pas s'effondrer. »

DANS L'ISÈRE, UN RÉSEAU POUR LES PROFESSIONNELS

Mettre en lien les professionnels pour inventer de nouvelles solutions pour les jeunes de 12 à 21 ans. Tel est l'objectif du Réseau ado Isère (RAI) (10), rattaché à la maison des adolescents du département mais à laquelle il préexistait. Ses adhérents sont des institutions ou associations qui prennent en charge des adolescents (éducation spécialisée, foyers éducatifs, PJJ, conseil général, santé mentale, etc.), des professionnels libéraux (généralistes, psychiatres, pédiatres) et des associations d'usagers. Lors d'une difficulté de prise en charge, les professionnels concernés organisent une réunion de concertation pluridisciplinaire, avec l'accord de l'adolescent.

En 2009, une centaine de jeunes ont fait l'objet d'une telle réunion. Les raisons invoquées par les professionnels : l'impossibilité de répondre seuls aux besoins du jeune (80 % des cas), un risque de rupture (48 %), des difficultés avérées de prise en charge (39 %), l'absence de perspectives (36 %), un parcours de répétition d'échecs (31 %), un besoin d'information (30 %) et des incohérences entre les différentes prises en charge (14 %). Selon Elisabeth Gautier, pédopsychiatre et directrice de projet au RAI, ces réunions, organisées autant de fois que nécessaire, ont permis de « développer une culture commune et de réduire les ré-hospitalisations et les ruptures de prise en charge ».

COMMENT SONT FINANCÉES LES MDA ?

Plusieurs types de financement sont prévus. En matière d'investissement, des aides au démarrage de 2 millions d'euros par an sont allouées par la direction générale de la cohésion sociale pour les frais d'installation et d'agencement des locaux. Les maisons adossées aux établissements hospitaliers peuvent bénéficier de subventions de la Fondation hôpitaux de Paris-hôpitaux de France, qui collecte les fameuses pièces jaunes. Depuis 2004, celle-ci a financé 35 maisons des adolescents à hauteur de 5,7 millions d'euros.

Pour le fonctionnement, une tranche annuelle de 2,4 millions d'euros de crédits d'assurance maladie a été prévue pendant cinq ans en faveur des établissements de santé partenaires des projets pour assurer les prises en charge médicales et paramédicales, dans la limite de 156 000 € par projet (11). Par ailleurs, une tranche annuelle de 800 000 €, imputée sur le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), permet de financer la coordination des réseaux de santé adossés aux MDA, dans la limite de 53 000 € par projet. Ces structures bénéficient également du soutien financier des collectivités locales et de mises à disposition de personnel par ces dernières ou par d'autres institutions (Education nationale, Justice) et associations.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.defenseurdesenfants.fr, rubrique « L'institution ».

(2) Les maisons des adolescents, pourquoi ? comment ? , rapport annexe de la défenseure des enfants, 2002.

(3) Parmi elles, 42 sont adhérentes à l'association, créée en 2008 pour favoriser l'échange de pratiques entre MDA. Son secrétaire général est Patrick Cottin, directeur de la MDA de Nantes. Contact : anmda.asso@gmail.com.

(4) Ce rapport a été commandé en 2008 par la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins et n'a pas été rendu public.

(5) Le centre hospitalier et la ville de Saint-Nazaire ont rejoint le GIP depuis l'ouverture d'une antenne de la MDA dans la municipalité.

(6) Huit sont dédiés aux crises psychopathologiques, six à la pédiatrie complexe et six aux troubles du comportement alimentaire.

(7) Voir ASH n° 2646 du 12-02-10, p. 32.

(8) Voir ASH n° 2595 du 6-02-09, p. 16.

(9) Maison des adolescents de Loire-Atlantique : 19, rue Racine - 44000 Nantes - Tél. 02 40 20 89 65.

(10) Contact : coord.rai@ado38.fr.

(11) Des moyens supplémentaires ont été prévus pour atteindre l'objectif de 100 MDA.

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