«Appliquer les règles avec discernement, bon sens et humanité permet non seulement de résoudre des situations douloureuses mais grandit aussi l'auteur de ces initiatives de bon sens. Et honore par là même le service public », a souligné le médiateur de Pôle emploi, Benoît Génuini, lors de la présentation de son rapport d'activité 2009, le 12 mars. Premier du genre depuis la création de la fonction par la loi du 1er août 2008 redéfinissant les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi, ce document rend compte de l'installation, puis de l'activité au cours de l'année écoulée du médiateur, qui « reçoit les couacs, les demandes d'explications pas satisfaites, les déraillements, le résultat des incompréhensions, des silences, des courriers trop abrupts, des questions trop rapidement écartées, etc. ». Rappelons que celui-ci peut être saisi par toute personne - demandeur d'emploi, employeur ou partenaire - qui estime qu'elle n'a pas obtenu une réponse satisfaisante à la suite de démarches entreprises auprès des services de Pôle emploi.
Au-delà, le médiateur de Pôle emploi émet, comme le prévoit la loi, quelques propositions de nature à améliorer les relations du service public de l'emploi avec ses usagers.
« Si [...] les situations graves sont moins générées par la réglementation elle-même que par l'application qui en est faite, il est cependant des situations spécifiques dans lesquelles les textes créent eux-mêmes le problème et requièrent donc d'être amendés », explique le rapport. Entre dans cette catégorie le cumul de l'indemnisation au titre de l'assurance chômage et d'une pension d'invalidité. Reconnaissant l'impossibilité de priver les personnes invalides du droit de travailler, la jurisprudence a admis que la pension d'invalidité pouvait être cumulée avec des revenus d'activité. Le code de la sécurité sociale, de son côté, prévoit une procédure de réexamen du montant de la pension qui peut aboutir à sa diminution dans le cas où les revenus de la personne, augmentés de sa pension, excèdent un plafond déterminé par la loi. Pourtant, le règlement annexé à la convention d'assurance chômage prévoit un mode de calcul qui soustrait du montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) auquel peut prétendre un demandeur d'emploi l'éventuelle pension qu'il percevrait au titre d'une invalidité antérieure à sa perte d'emploi. En d'autres termes, lorsqu'il est en activité, un travailleur invalide perçoit, en sus de sa pension d'invalidité, un salaire pour son travail. Mais s'il perd son emploi, il ne bénéficie pas des mêmes allocations chômage qu'un travailleur valide. Aussi le médiateur estime-t-il que le règlement annexé à la convention d'assurance chômage « mériterait d'être modifié dans un sens plus conforme à la lettre et l'esprit de la loi », « pour que les personnes invalides puissent bénéficier des mêmes droits que les personnes valides ».
En outre, le médiateur appelle à faire évoluer les règles actuelles de cumul de l'indemnisation au titre de l'assurance chômage et d'une activité réduite. La convention d'assurance chômage prévoit, dans son règlement annexé, un dispositif permettant, sous certaines conditions, de continuer à percevoir l'ARE dans le cas de reprise d'une activité réduite. Pour Benoît Génuini, ce dispositif présente un défaut majeur : si les droits ouverts par l'allocataire sont supérieurs à 15 mois, il sera privé de l'indemnisation s'il poursuit son activité réduite au-delà du 15e mois. Passé ce délai, il sera donc plus avantageux pour lui d'arrêter son travail pour conserver le revenu que lui procure l'ARE. Hormis les allocataires de plus de 50 ans qui en sont dispensés, cette règle comporte ainsi « un effet décourageant contraire à son esprit, qui est d'inciter à la reprise ou à la conservation d'une activité réduite », dénonce le rapport. Celui-ci propose, en conséquence, d'aligner le régime du cumul de l'ARE avec une activité réduite sur celui prévu pour les allocataires de plus de 50 ans, en supprimant la limite de 15 mois pour le versement de l'allocation chômage.
Par ailleurs, les dossiers instruits par le médiateur de Pôle emploi ont révélé « des appréciations excessivement rigoureuses » des cas de démission légitime (1) qui ouvrent droit à l'indemnisation du chômage. Pointant qu'« il est possible que les circonstances qui ont motivé une démission légitime évoluent dans le temps », Benoît Génuini considère qu'« il serait souhaitable, [dans ce cas], de fonder la qualification de la démission sur les éléments qui prévalaient au moment où elle a eu lieu ».
Le rapport suggère également d'« assouplir l'examen dit «à 122 jours» ». Un départ volontaire - hors cas de démission légitime - ne constitue pas forcément un obstacle définitif à l'indemnisation du demandeur d'emploi. En effet, le salarié peut bénéficier, à sa demande, de l'ARE après quatre mois de chômage (121 jours) dès lors qu'il remplit les autres conditions requises pour l'octroi de l'allocation, qu'il apporte des éléments attestant de ses recherches actives d'emploi ainsi que de ses éventuelles reprises d'emploi de courte durée... Sa demande fait l'objet d'un examen particulier de Pôle emploi qui se prononce au vu des circonstances de l'espèce et des éléments qu'il apporte. Considérant que « le strict encadrement dans le temps de cet examen à 122 jours est susceptible de générer des situations critiques », le médiateur suggère de faire évoluer la règle actuelle dans le sens d'une plus grande souplesse. Ainsi propose-t-il que « le jour à compter duquel court la période d'examen [soit], selon la situation la plus avantageuse pour la personne, soit le jour de la démission, soit le jour de l'inscription à Pôle emploi ».
Le médiateur pointe certaines pratiques du service public de l'emploi susceptibles d'être améliorées. Ainsi, le rapport fait état de plusieurs cas où le service « prévention des fraudes » a procédé à un arrêt des versements de l'ARE... sans qu'aucune fraude ne soit démontrée. Afin de sécuriser ces décisions d'arrêt de versement, Benoît Génuini estime indispensable qu'elles soient subordonnées à certaines conditions. Il recommande ainsi d'informer préalablement par lettre recommandée avec accusé de réception les personnes concernées. Celles-ci se verraient demander des explications et des informations complémentaires afin d'« éviter les erreurs d'appréciation ». La décision de suspension, motivée en fait et en droit, ferait l'objet d'une notification formelle et d'une information sur les recours ouverts. Enfin, la suspension prononcée serait encadrée et cesserait au terme d'un délai de trois mois.
Autre axe de progrès relevé par le médiateur : l'amélioration des courriers envoyés par Pôle emploi, ce qui « contribuerait à dispenser un meilleur service et une communication plus respectueuse et proche des usagers ». Outre la dénonciation des « incohérences générées par l'informatique », le rapport appelle à personnaliser la relation avec le demandeur d'emploi et ainsi à « rompre avec l'anonymat ». Il s'agit aussi pour les services de Pôle emploi de « soigner le ton employé dans les courriers » et de « s'obliger à expliquer en détail » les décisions qu'ils prennent.
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur www.ash.tm.fr}
(1) Citons, pêle-mêle : la rupture, à l'initiative du salarié, de son contrat de travail pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi ; le salarié mineur qui suit ses ascendants ; le salarié qui démissionne pour cause de déménagement résultant d'un mariage ; la démission intervenue pour cause de non-paiement des salaires ; la démission consécutive à un déménagement rendu nécessaire par des violences conjugales, etc.