Une inquiétante étrangeté

Dans ces peintures, dessins et sculptures aux couleurs chatoyantes, on reconnaît des animaux, des paysages et beaucoup de corps nus. Ces oeuvres d'« art singulier », présentées dans sept lieux dijonnais jusqu'au 11 avril, ont toutes été réalisées par des patients de deux hôpitaux psychiatriques - La Chartreuse, à Dijon, et le San Salvi, à Florence, en Italie - et réunis par Itinéraires singuliers, une association qui met l'art au service de la lutte contre l'exclusion. Les collections La Tinaïa et Intim'errance proposent donc de découvrir dix ans d'un travail de réflexion et de valorisation des oeuvres de personnes souffrant de troubles psychiques. « C'est une souffrance qu'il nous est donné d'entendre au travers des formes, des couleurs, des silences dissimulés derrière telle ou telle oeuvre, telle ou telle trace, telle ou telle esquisse », témoigne Alain Vasseur, directeur de la biennale d'Art singulier. Souvent hyperproductifs, les participants aux ateliers de création présentent des oeuvres d'une « inquiétante étrangeté », comme celles d'Yvette Lallemand, qui fréquente l'atelier de La Chartreuse depuis 1991. Elle peint avec une régularité de métronome des femmes dénudées (comme libérées de leur carcan) sur des fonds toujours vierges. Les sculptures en terre cuite de Dominique Meurget (décédé en 1999) représentent des personnages informes, tandis que les peintures à l'huile de Didier Clément sont de tendres autoportraits, souriants ou grimaçants, peints dans un univers sombre. En Italie, les personnes atteintes de psychoses ont représenté des missiles, réacteurs et porte-avions, jusqu'à l'explosion de l'univers (Giovanni Galli), mais aussi des animaux extraordinaires à silhouette plate (Marco Raugei). En écho aux expositions, la biennale d'Itinéraires singuliers propose différents temps d'échange ainsi que des projections de films, des lectures musicales, une pièce de théâtre et des visites guidées décalées.