Depuis le début de l'année 2009, le juge des référés du Conseil d'Etat s'est prononcé à plusieurs reprises sur le droit à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, précisant le cadre juridique applicable. Dans une circulaire adressée aux préfets, le ministre de l'Immigration fait le point aujourd'hui sur la jurisprudence qui se dégage des décisions rendues par la Haute Juridiction. L'idée étant que les représentants de l'Etat en tiennent compte dans leurs observations en défense devant le juge administratif.
A l'origine des différentes affaires, des demandeurs d'asile ont présenté des requêtes devant des tribunaux administratif pour obtenir en référé un hébergement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ou dans le dispositif d'hébergement d'urgence. Des requêtes s'appuyant, principalement, sur la directive européenne du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres, qui prévoit que des conditions matérielles d'accueil doivent être garanties à tous les étrangers déposant une demande d'asile tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile. Ces conditions, précise le texte, peuvent être fournies « en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bonus ou en combinant ces formules ».
Premier principe dégagé par la jurisprudence : le Conseil d'Etat sanctionne la non-délivrance par le préfet, dans le délai de 15 jours à compter de la première présentation des intéressés en préfecture (1), d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention « en vue de démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides » (OFPRA). L'absence d'un tel document prive notamment les demandeurs d'asile d'un hébergement en CADA et du bénéfice de l'allocation temporaire d'attente (ATA), explique le ministère. C'est ainsi que, pour la Haute Juridiction, la délivrance aux demandeurs, lors de leur première présentation en préfecture, d'une simple convocation à une date ultérieure pour l'instruction de leur demande d'asile « pour des raisons liées au fonctionnement des services préfectoraux » porte atteinte aux droits des intéressés de solliciter la qualité de réfugié. Les préfets sont invités, en conséquence, à bien respecter le délai maximum de 15 jours prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Autre principe : dès lors que le demandeur d'asile a vu ses droits à l'ATA ouverts, la condition d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale - en l'occurrence, le droit d'asile - n'est pas considérée comme remplie (2). Ainsi, dans le cas où l'offre de principe de prise en charge dans un CADA a été acceptée par l'étranger et n'a pu être satisfaite dans l'immédiat faute de places disponibles, mais que, dans le même temps, le demandeur d'asile bénéficie de l'ATA, le défaut d'hébergement ne peut être utilement opposé à l'Etat dans le cadre d'un référé-liberté (3). Le ministère de l'Immigration appelle toutefois l'attention des préfets sur le fait que la solution ainsi dégagée par le Conseil d'Etat ne trouve à s'appliquer que dans le cadre de la vérification, par le juge des référés, de la réalité de la condition d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. « Dès lors et en tout état de cause, les demandeurs d'asile en attente d'une orientation en CADA et percevant l'ATA doivent se voir systématiquement proposer un hébergement d'urgence, dans la mesure des capacités des dispositifs. »
Le dernier principe dégagé par la jurisprudence concerne les demandeurs d'asile qui n'ont pas été admis provisoirement au séjour parce qu'ils font l'objet d'une procédure de remise à un autre Etat membre en application du règlement européen dit « Dublin II » et qui ne sont donc pas éligibles à l'ATA. Le Conseil d'Etat a jugé que « l'engagement d'une procédure de prise en charge par un autre Etat d'un demandeur d'asile postérieurement à son entrée sur le territoire est sans influence sur le droit de l'intéressé de bénéficier de conditions matérielles d'accueil décentes tant que cette prise en charge n'est pas devenue effective ». En conséquence, le ministère appelle les préfets à prendre en charge dans le dispositif d'hébergement d'urgence les demandeurs d'asile relevant du règlement Dublin II qui ne sont pas éligibles à l'ATA jusqu'à la notification de la décision de remise à l'Etat responsable du traitement de la demande.
(1) Délai prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
(2) Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.