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Financement des chantiers d'insertion : l'enjeu du « juste coût »

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Alors que se met en place l'expérimentation de l'aide au poste dans le cadre des ateliers et chantiers d'insertion, Eric Pliez, président de la commission « emploi formation » de la FNARS et directeur de l'association Aurore, met en garde contre les risques qu'il y aurait à sous-estimer le montant de ce nouveau mode de financement. Parmi eux, celui de laisser de côté les personnes les plus exclues.

«En fédérant un millier de structures de remise au travail dont environ 800 chantiers d'insertion, la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) est un des acteurs majeurs de l'insertion par l'activité économique (IAE). Engagée dès le début des années 80 dans la dynamique des entreprises intermédiaires, membre cofondateur des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), la fédération privilégie le développement des ateliers et chantiers d'insertion (ACI) depuis plusieurs années.

Pourquoi ? Parce que l'objectif maximum de 30 % de recettes «marchandes» laisse une place aux personnes les moins productives, celles pour qui il s'agit d'abord de recréer du lien social et du «savoir être» avant du «savoir-faire». Reprendre l'habitude de se lever, de respecter les consignes, de prendre une place dans le groupe tout en faisant face aux nombreux problèmes sociaux engendrés par une situation de grande précarité, tel est le challenge que doivent affronter les «ouvriers» des chantiers que nos permanents accompagnent. Pour cela, les chantiers occupent souvent des «niches» d'utilité sociale peu productives.

L'IAE, dans son ensemble, démontre depuis plus de 30 ans qu'elle favorise le retour à l'emploi des personnes qu'elle accueille, qu'elle a un impact économique positif pour les territoires et qu'elle est souvent source d'innovations et d'inspiration pour les entreprises.

Dans le prolongement du «Grenelle de l'insertion», l'un des objectifs du plan de modernisation de l'IAE est la réforme des financements, et notamment la mise en oeuvre envisagée d'une aide au poste «modulable et encadrée», prévue dans la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion. Ainsi, des contrats à durée déterminée subventionnés par des aides au poste viendraient remplacer les contrats aidés existants.

Si, pour le salarié, nous ne pouvons qu'approuver la mise en place de contrats de droit commun, notre inquiétude porte sur le montant de cette aide au poste. 30 % de recettes marchandes (et une moyenne actuelle inférieure à 20 % du fait de chantiers très sociaux), cela implique 70 % à 80 % de financement public en contrepartie. En deçà, c'est condamner les ACI à produire plus de marchand et, à court terme, à laisser sur le bord de la route les publics les moins «insérables». Cette logique nous la refusons. Notre engagement dans l'IAE a pour objet principal la mise au travail des plus éloignés de l'emploi. La réforme de l'IAE doit permettre aux structures de bénéficier de davantage de stabilité et de transparence dans les financements tout en tenant mieux compte des coûts liés à l'insertion.

Vigilance sur l'expérimentation

Après un démarrage long et un manque de concertation pointé par les réseaux, un groupe de travail piloté par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a conduit au lancement d'une expérimentation de l'aide au poste, qui devrait démarrer ce mois-ci dans quatre départements, le Rhône, la Gironde, le Doubs et le Haut-Rhin. Elle sera pilotée par les services de l'Etat et les conseils généraux, avec l'appui technique de l'Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (AVISE). Elle vise à tester quatre critères possibles de modulation de l'aide au poste : les caractéristiques des publics accueillis, l'effort d'insertion fourni par la structure, le secteur d'activité et les spécificités du territoire d'intervention.

La FNARS a, comme les autres réseaux, fait le choix d'accompagner la mise en place de l'expérimentation. Pour autant, elle reste extrêmement vigilante sur plusieurs points. Pour l'instant, l'Etat affirme que la modulation, si elle se met en place, se fera à budget constant. Or, nous l'avons dit, une aide au poste sous-financée, c'est le risque de laisser de côté les plus exclus, les moins productifs, c'est-à-dire ceux auprès de qui la FNARS est d'abord engagée. Les réseaux sont d'accord aujourd'hui pour estimer le «juste coût» d'un poste en insertion dans un chantier à une somme comprise entre 25 000 € et 28 000 € , un chiffre qui n'est pas à ce jour partagé avec l'Etat.

Nous sommes par ailleurs sceptiques quant au logiciel budgétaire utilisé dans le cadre de l'expérimentation, qui renseignera sur les moyens consacrés par les structures aux différents postes (accueil, accompagnement, formation, développement du territoire, production), mais aussi sur la part des financements publics dans le chiffre d'affaires de la structure. L'Etat souhaitait aussi qu'il permette d'évaluer la sous-productivité des salariés en insertion, stigmatisant de fait l'insertion comme une erreur économique. Les réseaux ont fait front pour que cela soit supprimé. Mais nous continuons à réclamer aujourd'hui, par le biais de cette expérimentation, une analyse qui porte sur les missions et pas seulement sur les coûts, qui tienne compte des services rendus au territoire en matière d'accueil, d'accompagnement, de formation.

Chasseurs de subventions

Quels que soient les résultats de l'expérimentation, des conférences de financeurs permanentes doivent impérativement se mettre en place sur les territoires. Ce principe n'est pas acquis. Pourtant la réalité des ACI aujourd'hui, c'est entre 10 et 15 financeurs par chantier, autant de demandes, de bilans, de comptes rendus. Le responsable d'ACI devient un chasseur de subventions et consacre trop de temps au montage de dossiers. La conférence de financeurs que nous appelons de nos voeux doit permettre un tour de table où l'un des financeurs devient pilote et gère la négociation du contrat d'objectifs ainsi que le dialogue de gestion avec la structure. Elle doit simplifier le travail des ACI pour qu'ils se consacrent au coeur de leur mission : l'insertion par l'économique. Le temps gagné permettra par exemple d'anticiper les besoins du territoire avec les autres acteurs économiques et d'améliorer les passerelles vers les entreprises, autant de sujets que le «Grenelle de l'insertion» a estimé prioritaires.

Nous accueillons des personnes en difficulté et nous les aidons à remettre le pied à l'étrier. Nous ne sommes pas seulement des passeurs vers l'emploi. Nous sommes aussi des accompagnateurs qui essaient de prendre en compte toutes les facettes des difficultés rencontrées par ces personnes en souffrance sociale. D'une manière générale, ces services d'accompagnement que proposent les structures d'insertion ne sont pas pris en compte à leur coût réel. Les moyens financiers affectés aux associations d'insertion fluctuent au gré des chiffres du niveau du chômage. D'une certaine manière, les personnes en emploi d'insertion deviennent ainsi une variable d'ajustement.

Pourtant, si notre travail a un coût pour la société, il produit aussi des richesses : les salariés en insertion produisent des biens et des services (aide à domicile, entretiens des espaces verts, etc.). Les structures d'insertion paient des charges sociales et font travailler fournisseurs et sous-traitants. Surtout, 70 % des personnes qui passent dans nos associations retrouvent une situation stable. C'est beaucoup mais trop peu. Aujourd'hui, nous sommes bien incapables d'accueillir tous ceux qui en ont besoin. Seules 300 000 personnes passent chaque année dans les structures d'insertion, alors qu'on compte 1,7 million de personnes au RSA et que près de 600 000 jeunes de 16 à 25 ans sont sans emploi.

Une réforme ambitieuse, si elle doit permettre de mieux évaluer, de fixer des objectifs aux acteurs dans le cadre d'un dialogue de gestion dynamique, doit aussi afficher la volonté de développer un secteur salué au dernier «Salon des entrepreneurs» comme un vrai rempart à la crise, donc se donner les moyens financiers de son ambition.

C'est cette reconnaissance que nous attendons en nous engageant dans les expérimentations et travaux en cours. »

Contact : FNARS - Tél. 01 48 01 82 00 - fnars@fnars.org

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