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Vers une protection accrue des femmes victimes de violences

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Adoptée à l'unanimité par les députés en première lecture, une proposition de loi vise à mieux réprimer les violences intra-familiales, à créer une ordonnance de protection et à inscrire pour la première fois les violences psychologiques dans le code pénal.

L'Assemblée nationale a adopté le 25 février, en première lecture, une proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes. Porté par Danielle Bousquet, députée (PS) des Côtes-d'Armor, et Guy Geoffroy, député (UMP) de Seine-et-Marne, ce texte rassemble les récentes initiatives et recommandations énoncées en la matière, telles que la création d'une ordonnance de protection ou encore des mesures visant à mieux protéger les femmes étrangères en situation régulière ou non, mesures dont s'est notamment félicitée la Cimade (voir réactions, page 23). La proposition de loi devrait être discutée au Sénat « en avril pour une adoption définitive en juin » a assuré le Premier ministre.

La création d'une ordonnance de protection

Sur la recommandation de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes de l'Assemblée nationale (1), la proposition de loi crée une ordonnance de protection que le juge aux affaires familiales (JAF) pourra délivrer en urgence pour protéger les personnes victimes de violences exercées au sein de la famille ou du couple par l'actuel ou l'ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin. Le JAF pourra être saisi soit par la personne en danger, si besoin assistée, soit, avec son accord, par une association recevable à exercer les droits reconnus à la partie civile. Le juge devrait aussi pouvoir être saisi, avec l'accord de la victime, par le ministère public. A l'occasion de la délivrance de l'ordonnance de protection - qui atteste des violences -, le JAF devrait pouvoir décider d'un certain nombre d'interdictions ou d'obligations à l'égard de l'auteur des faits. Par exemple, il pourrait interdire à la partie assignée de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit. Il devrait également pouvoir statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement (2) se prononcer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou encore décider de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle. En outre, si le JAF prend des mesures d'assistance éducative à l'égard des enfants, il pourra ordonner l'interdiction de leur sortie du territoire pour une durée maximale de deux ans.

Quoi qu'il en soit, les mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance de protection le seront, selon le texte, pour une durée maximale de quatre mois. Elles pourront être prolongées au-delà si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. En cas de manquement aux obligations ou aux interdictions résultant de l'ordonnance, l'intéressé s'expose à une peine de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (3). En outre, la proposition de loi permet aux services de l'ordre d'appréhender, sous certaines conditions, toute personne placée sous contrôle judiciaire en cas d'inobservation des obligations qui lui incombent.

Pour vérifier le respect de l'interdiction de paraître dans le domicile ou la résidence du couple ou aux abords immédiats de celui-ci, l'auteur des violences qui encourt une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans peut faire l'objet d'un placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'une assignation à résidence - mesure créée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (4). Dans un communiqué de presse du 25 février, la secrétaire d'Etat à la famille a précisé que ce dispositif serait expérimenté « dans certains départements dès la fin du premier semestre, avant sa généralisation à l'ensemble du territoire d'ici à trois ans ». En cas d'interdiction de rencontrer la victime, cette mesure pourra aussi, selon la proposition de loi, être complétée soit par un dispositif de téléprotection permettant à cette dernière d'alerter les autorités publiques en cas de violation des obligations imposées à l'auteur des violences, soit par le port d'un dispositif électronique permettant de signaler à distance que la personne mise en examen se trouve à proximité. Ces dispositions devraient être applicables que l'auteur des violences soit l'actuel ou l'ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS. « On va commencer avec 150 bracelets sur trois parquets », a annoncé Nadine Morano qui s'exprimait le 25 février dernier à l'Assemblée nationale. La proposition de loi précise également que de telles mesures pourront être prises dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. L'ensemble de ces dispositions sera expérimenté pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi au Journal officiel.

La prise en compte des violences psychologiques

Reprenant une préconisation de l'ancienne secrétaire d'Etat à la solidarité, Valérie Létard, la proposition de loi inscrit dans le code pénal les violences psychologiques. Une infraction définie comme le fait de soumettre son actuel ou ancien conjoint, partenaire ou concubin à des agissements ou des paroles répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie susceptible d'entraîner une altération de sa santé physique ou mentale. La peine encourue devrait être de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

Signalons que la proposition de loi en profite pour expliciter la notion de harcèlement sexuel prohibée par l'article L. 1153-1 du code du travail. Actuellement, celle-ci est définie comme des agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers. Le texte envisage plutôt de considérer le harcèlement sexuel comme « tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Et inscrit cette nouvelle infraction dans le code pénal, afin de pouvoir la punir de un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (5).

Le dépôt de plainte des femmes étrangères facilité

Comme l'ont suggéré les députés dans un précédent rapport, la proposition de loi tend à mieux protéger les femmes étrangères, en situation régulière ou non, victimes de violences au sein de leur couple. Ainsi, sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, les femmes étrangères entrées régulièrement en France qui bénéficient d'une ordonnance de protection devraient pouvoir obtenir auprès de l'autorité administrative, « dans les plus brefs délais », la délivrance ou le renouvellement de la carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » ou octroyée au titre du regroupement familial. En outre, le texte autorise les pouvoirs publics à accorder aux femmes étrangères en situation irrégulière une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » - qui permet de travailler - en cas de dépôt de plainte, l'ordonnance de protection permettant d'établir la preuve des violences subies. Dans ce cadre, elles n'auront pas à justifier d'un visa d'entrée d'une durée supérieure à trois mois. En cas de condamnation définitive de leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS, une carte de résident leur sera délivrée. A noter que l'aide juridictionnelle devrait leur être accordée sans condition de résidence.

Signalons aussi qu'une ordonnance de protection pourra, selon la proposition de loi, être délivrée en faveur d'une personne majeure menacée de mariage forcé. En outre, le meurtre d'une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union devrait être puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

La prévention des violences

La proposition de loi complète la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, en prévoyant que des conventions devront être passées avec les bailleurs de logements sociaux pour réserver dans chaque département un nombre suffisant de logements à destination des personnes victimes de violences protégées ou ayant été protégées par l'ordonnance de protection. Dans le même esprit, le texte précise l'article L. 822-1 du code de l'éducation afin que l'Etat et les centres régionaux des oeuvres universitaires passent des conventions pour réserver un nombre suffisant de logements à destination des femmes majeures victimes de violences inscrites dans un établissement scolaire ou universitaire.

En matière de prévention, les députés ont enrichi notamment le contenu de l'enseignement d'éducation civique des élèves, en y ajoutant une formation consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la connaissance des causes, caractéristiques et sanctions relatives aux violences faites aux femmes. Les établissements scolaires pourront s'associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes.

Notes

(1) Voir ASH n° 2618-2619 du 17-07-09, p. 5.

(2) Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences.

(3) Lorsqu'elles seront commises par l'actuel conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS, les menaces de commettre ces infractions devraient être punies de deux ans de prison et de 30 000 € d'amende. Quant aux menaces de mort, elles devraient être sanctionnées d'une peine de cinq ans de prison et de 75 000 € d'amende.

(4) Voir notamment ASH n° 2628 du 16-10-09, p. 16, n° 2635 du 4-12-09, p. 17 et n° 2636 du 11-12-09, p. 16 et 41.

(5) Cette nouvelle définition du harcèlement sexuel est aussi reprise dans une loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

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