Recevoir la newsletter

La pauvreté s'intensifie et les plus démunis perdent espoir, s'alarme l'ONPES

Article réservé aux abonnés

Au cours de la dernière décennie, la pauvreté monétaire est restée stable, mais la grande pauvreté a progressé et devrait encore augmenter avec la crise. C'est l'un des enseignements majeurs tiré par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale dans son dernier rapport.

Dans son VIe rapport (1), rendu public le 25 février, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) porte à la fois un regard rétrospectif sur la décennie écoulée et esquisse les effets prévisibles de la crise économique actuelle sur la pauvreté et l'exclusion sociale.

Persistance de la pauvreté et de l'exclusion

Après une baisse continue, la pauvreté monétaire et les inégalités de revenus se sont stabilisées au cours des dix dernières années. Mais la situation des personnes les plus pauvres s'est sensiblement dégradée et leur nombre s'est accru, constate l'ONPES. Ainsi, le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 60 % du revenu médian (908 € par mois pour une personne seule en 2007), n'a guère évolué, passant de 13,6 % de la population en 1998 à 13,4 % en 2007. Ce qui représente huit millions de personnes. Le taux de pauvreté monétaire au seuil de 50 % du revenu médian, soit 757 € pour une personne seule, est également resté globalement stable au cours de cette période, autour de 7 %. En revanche, il y a de plus en plus de personnes très pauvres. En témoigne l'évolution de la pauvreté au seuil de 40 % du revenu médian (602 € pour une personne seule) : 3,1 % de la population en 2007 (soit 1,8 million de personnes), contre 2,1 % en 2002.

Par ailleurs, l'observatoire souligne que l'emploi demeure, de manière générale, le meilleur rempart contre la pauvreté. Toutefois, le niveau de protection qu'il offre a diminué pendant la dernière décennie, ce qui s'est traduit par l'émergence d'une nouvelle catégorie de population : les « travailleurs pauvres ». Leur nombre, qui a augmenté entre 2004 et 2006, représentait, en 2007, 6,7 % des salariés, soit 1,9 million d'individus. Autrement dit, si l'emploi protège encore de la pauvreté, disposer d'un travail est de moins en moins une condition suffisante pour franchir le seuil de pauvreté, confirme l'ONPES.

Autre point noir : de nombreux ménages se trouvent encore confrontés à des difficultés et à des inégalités d'accès à certains droits fondamentaux comme la santé, le logement, la formation, l'éducation... Le résultat de « problèmes structurels que non seulement les réformes conduites au cours des dix dernières années n'ont pas permis de résoudre mais ont parfois accentué », explique l'observatoire, ajoutant que la crise économique pourrait encore noircir le tableau.

L'instance est également très préoccupée par la persistance de la grande exclusion au cours de la dernière décennie. Elle l'est d'autant plus que, là aussi, la crise économique risque d'aggraver la situation de personnes déjà très vulnérables et souvent invisibles tant pour la statistique que pour l'action publique.

Si l'on dépasse le seul cadre national, l'objectif fixé en 2000 par le Conseil européen de donner « un élan décisif à l'éradication de la pauvreté » n'a pas été atteint par l'Union européenne, souligne le rapport.

Vers une aggravation ?

Le tableau brossé par l'ONPES n'incite guère à l'optimisme. Mais le pire n'est-il pas devant nous ? Les « stabilisateurs économiques » et les mesures ponctuelles de relance ont certes joué leur rôle et ont permis de contenir, au moins en partie, les conséquences sociales de la crise. Mais pour combien de temps ? Il est encore trop tôt pour apprécier précisément l'impact de la crise sur la pauvreté des ménages, même si les acteurs de terrain tirent d'ores et déjà la sonnette d'alarme, se faisant l'écho d'une augmentation sensible des difficultés financières des ménages. Cela se traduit par une augmentation des demandes d'aide alimentaire et financière enregistrée depuis l'automne 2008. Dans ce contexte, la peur de la pauvreté s'est diffusée au sein de la société, en particulier chez les classes moyennes, note l'observatoire.

S'essayant à l'exercice de la prospective, l'instance estime que la crise économique devrait avoir « un impact réel sur la pauvreté ». « Alors que l'extension de la pauvreté à de nouvelles catégories de la population n'est pas perceptible, [elle] pourrait engendrer une dégradation de la situation des plus vulnérables ainsi que le développement de la pauvreté au travail », explique-t-elle, ajoutant que « les effets pourraient être pour certaines personnes difficilement réversibles, tant en termes d'éloignement du marché du travail que de désagrégation du lien social ».

Une désespérance accrue des personnes pauvres

Au cours des dernières années, l'observatoire a renforcé sa conviction, exprimée dès ses premiers travaux, qu'au-delà de la production de statistiques ou de la fixation d'objectifs quantifiés, il faut construire la connaissance de la pauvreté avec le savoir des personnes qui la vivent. Un système de veille sociale mis en place en 2009 pour faire remonter les impressions des acteurs de terrain a déjà fait apparaître qu'une proportion plus importante de jeunes et de personnes âgées ont eu recours, du fait de la crise économique, aux aides sociales. Phénomène nouveau, les professionnels font état d'une désespérance accrue des personnes pauvres qui se traduit de deux manières. D'un côté, une hausse des inquiétudes, une perte d'espoir en matière d'insertion professionnelle et sociale, un manque de motivation engendrant des phénomènes dépressifs et une dépendance accentuée aux structures d'aide, accompagnée d'une perte d'autonomie. De l'autre, des manifestations d'agressivité, des exigences plus fortes en direction des professionnels rencontrés et des services sociaux en général. « On peut y voir moins un effet direct de la crise que l'expression d'un processus long de fragmentation de la société française », analyse l'ONPES.

Face à l'insuffisance des données disponibles, et aux problèmes que pose le décalage entre les indicateurs traditionnels et les observations provenant du terrain pour conduire une politique efficace, le gouvernement, qui s'est engagé à réduire de un tiers la pauvreté en cinq ans, a créé un « tableau de bord » de la pauvreté. Sa première édition a été publiée en octobre dernier (2). L'ONPES appelle à aller plus loin. Il plaide ainsi pour la mise en place de nouveaux indicateurs d'alerte destinés à rendre compte plus rapidement des évolutions de la pauvreté et d'alerter les pouvoirs publics sur les phénomènes émergents. Ce système de veille « pourrait principalement se fonder sur l'interrogation d'un panel d'acteurs de terrain en charge de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ».

Notes

(1) Bilan de 10 ans d'observation de la pauvreté et de l'exclusion sociale à l'heure de la crise - Rapport 2009-2010 - Disp. sur www.onpes.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2628 du 16-11-09, p. 5.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur