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Accueil de la petite enfance : l'Unccas et l'Uniopss montent au créneau

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En maintenant les établissements d'accueil de la petite enfance dans le champ de la directive « services », le gouvernement a engagé un bras-de-fer avec les représentants du secteur. L'Uniopss et l'Unccas interpellent les parlementaires français et européens sur les conséquences d'un choix plus politique que technique.

Les opposants à l'approche libérale adoptée par le gouvernement pour transposer la directive « services » - qui vise à lever les obstacles à la libre circulation des services dans l'Union européenne - ne désarment pas. Après le rejet par l'Assemblée nationale de sa proposition de loi visant à faire échec à une démarche jugée restrictive et peu démocratique (1), le groupe socialiste a redéposé le texte au Sénat, qui devrait l'examiner le 25 mars. L'une des options du gouvernement les plus contestées concerne le maintien, dans le champ de la directive, des services à la personne régis par l'agrément et des services et établissements d'accueil collectif de la petite enfance. Elle a d'ailleurs aussitôt entraîné une levée de boucliers tant chez les élus socialistes qu'au sein de l'Association des maires de France, de l'Uniopss, de l'Unccas (Union nationale des centres communaux d'action sociale) et de l'ACEPP (Association des collectifs enfants, parents, professionnels).

Une approche technique

La directive « services » a en effet exclu de son champ d'application un certain nombre de services sociaux - dont ceux relatifs à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles - à condition qu'ils soient assurés par l'Etat ou par des opérateurs qu'il mandate. Or le gouvernement a considéré (2), suivant en cela le raisonnement juridique de Michel Thierry dans le cadre de son rapport présenté début 2009, que l'autorisation d'ouverture d'un établissement d'accueil de la petite enfance délivré par le président du conseil général ne constituait pas un mandatement. Il refuse ainsi de prendre en considération le mandatement des prestataires assuré par les collectivités territoriales, ce qui, selon le Collectif SSIG, va pourtant dans le sens du compromis trouvé sur la directive au Parlement européen. En outre, lors du débat à l'Assemblée nationale, la secrétaire d'Etat chargée des aînés a affirmé que les crèches et haltes-garderies ne pouvaient pas être considérées comme des services d'aide à l'enfance et donc faire partie des services exclus de la directive.

Face à un choix qu'elles jugent contestable et dangereux, l'Uniopss et l'Unccas ont décidé d'alerter, dans un courrier commun, les parlementaires français et députés européens. Elles jugent en effet qu'en se tenant à une approche technique, le gouvernement « s'est privé d'une entrée plus politique et stratégique prenant en compte la nature et la finalité de ces services ». Il aurait été pourtant possible, selon elles, d'exclure ces services du champ de la directive en retenant le fait qu'ils s'adressent à un public particulier en situation du vulnérabilité, les enfants de 0 à 6 ans, et qu'ils exercent une mission d'intérêt général, « la petite enfance pouvant être considérée comme le premier temps de l'éducation des jeunes enfants ». Cette analyse rejoint d'ailleurs celle d'Evelyne Gebhardt, rapporteure du Parlement européen sur la directive « services » : les crèches et garderies constituent bien, selon elle, un service social d'aide à l'enfance et aux familles au sens de la directive et doivent être exclues de son champ (3). Par ailleurs, L'Uniopss et l'Unccas estiment que le gouvernement aurait pu modifier le régime d'encadrement du secteur - comme il l'a fait pour les activités d'amélioration de l'habitat à finalité sociale et d'insertion par le logement - afin qu'il réponde aux exigences de mandatement énoncées dans la directive. Elles proposent d'ailleurs deux amendements en ce sens à la proposition de loi qui va être examinée au Sénat : il s'agirait de modifier le code de la santé publique pour, d'une part, prévoir l'exclusion de la directive des établissements d'accueil du jeune enfant financés par des fonds publics, dont les missions seraient précisées, et, d'autre part, de définir le droit à l'éducation pour les 0-6 ans.

Les apparences techniques du débat ne sauraient toutefois masquer ses enjeux politiques. Quelles sont en en effet les conséquences du maintien des établissements de la petite enfance dans le champ de la directive ? Le gouvernement explique que les régimes d'autorisation et d'agrément ne sont nullement remis en cause puisqu'ils sont justifiés par des raisons impérieuses d'intérêt général. Pourtant, malgré ce garde-fou, il n'est pas neutre d'intégrer ces services dans la logique du marché intérieur où les régimes d'encadrement sont perçus comme une entrave au développement de l'activité. Si l'inclusion ne semble donc pas avoir de conséquences immédiates, qu'en sera-t-il à moyen et à long terme ? On ne peut écarter, comme le craignent l'Uniopss et l'Unccas, les risques d'une dérégulation progressive du secteur pour satisfaire aux règles du marché intérieur. « L'accueil de la petite enfance sera-t-il réduit à un produit à proposer aux parents et risquant d'être soumis à terme aux seules lois du marché », s'interrogent-elles. Des appréhensions d'autant plus vives que l'expérimentation des jardins d'éveil ou encore le projet de décret réformant les conditions d'accueil collectif de jeunes enfants (4) vont dans le sens d'un assouplissement des exigences d'encadrement. Enfin, on peut s'interroger sur la cohérence de l'option retenue puisque, si l'accueil collectif est inclus dans la directive, les assistantes maternelles et leurs regroupements en sont, eux, exclus.

Mobiliser les eurodéputés

Si l'Unccas et l'Uniopss espèrent donc convaincre les sénateurs que l'exclusion est possible et souhaitable, elles veulent également mobiliser les députés européens dans le cadre du processus d'évaluation mutuelle des travaux de transposition entre les Etats membres prévu cette année. Elles ne sont d'ailleurs pas les seules puisque l'Association française du conseil des communes et régions d'Europe, insatisfaite des options retenues, va également interpeller le secrétaire d'Etat aux affaires européennes et les institutions européennes. De son côté, le Parlement européen a décidé de suivre la mise en oeuvre de la directive « services » : sa commission du marché intérieur réunira au printemps les parlements nationaux afin d'avoir « un retour d'expériences » sur les lois nationales ou régionales de transposition. Selon Evelyne Gebhardt, il s'agira « d'exercer une pression politique afin que la directive soit correctement mise en oeuvre dans l'Union européenne ».

Notes

(1) La proposition de loi « relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services » vise à exclure de manière large, à travers un instrument législatif, les services sociaux du champ de la directive - Sur le débat, voir ASH n° 2644 du 29-01-10, p. 21.

(2) Il a envoyé en janvier à la Commission européenne un ensemble de fiches électroniques non disponibles et un rapport de synthèse récapitulant les travaux de transposition - Disp. sur www.sgae.gouv.fr. - Rubrique « Actualités ».

(3) En Allemagne, les lânders ont exclu les crèches du champ d'application de la directive dans leurs lois régionales de transposition.

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