Au lendemain de l'anniversaire de la loi « handicap » du 11 février 2005 et des annonces gouvernementales du 9 février (1), les critiques sur l'application de ce texte restent vives. La Fédération des APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés) a d'ailleurs saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Elle juge que les désengagements de l'Etat en matière d'intégration des personnes handicapées dans la société, qu'il s'agisse d'accessibilité, d'emploi ou d'accès aux soins, créent « une citoyenneté à deux vitesses ». « Alors que la loi de 2005 avait mis en place suffisamment de leviers pour diminuer les discriminations à l'encontre des personnes handicapées, le détricotage de la loi qu'opère aujourd'hui l'Etat, renforce les inégalités ! », dénonce Jean-Louis Garcia, président de la fédération.
Des efforts restent notamment à faire sur la scolarisation des enfants handicapés. Le gouvernement a, toutefois, mis en place en septembre dernier un groupe de travail interministériel sur la création d'un métier d'accompagnant de vie scolaire. Il s'agit à la fois d'apporter un encadrement de qualité aux enfants et de mettre fin à la précarité des actuels auxiliaires de vie scolaire (AVS). Mais les orientations qui se dessinent au fil des réunions font apparaître des divergences au sein même des associations qui siègent dans le groupe de travail. D'un côté, Autisme France, la Fédération générale des pupilles de l'école publique (FGPEP) et la Fnaseph (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap) défendent « un accompagnement en tout lieu et tout temps de vie » et la création de services transversaux qui prendraient en compte les besoins de l'enfant dans et hors de l'école. De l'autre, l'APAJH, l'APF (Association des paralysés de France) et Trisomie 21, comme elles l'ont revendiqué dans un courrier récemment envoyé à Luc Chatel, ministre de l'Education nationale (2), souhaitent que ces professionnels n'interviennent que dans le cadre de l'école. Elles veulent que ces accompagnants soient - comme c'est le cas aujourd'hui - recrutés par l'Education nationale sur des contrats temporaires. Cette position fait bondir Autisme France, la Fédération des PEP et la Fnaseph, qui, rejoints par l'Unaïsse (Union nationale pour l'avenir de l'inclusion scolaire, sociale et éducative), jugent que ce choix ne permettra pas de sortir les personnels de la précarité. Ces dernières s'opposent également à la proposition formulée par l'APAJH, l'APF et Trisomie 21, de faire valider une partie de leur formation via la validation des acquis de l'expérience (VAE). Or la VAE est, pour l'Unaïsse, actuellement « inaccessible et régressive » pour les AVS et « ne peut être qu'une voie sans issue », pour Autisme France, la FGPEP et la Fnaseph. Comme ces trois dernières associations, l'Unaïsse prône « un métier d'accompagnant scolaire et social, chaînon manquant entre l'éducation spécialisée, l'éducation scolaire et l'éducation populaire ».
L'application de la loi bute également sur le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Guichets uniques créés en 2005 pour faciliter les démarches administratives, elles peinent à répondre à toutes les demandes. Par manque de personnels et de moyens, certaines sont au bord de l'asphyxie financière avec, pour les usagers, des délais d'attente de plusieurs mois avant de voir leur dossier examiné (3). Pour améliorer la situation, l'Unapei (Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales) exige une plus grande implication des conseils généraux pour que ces instances répondent aux missions qui leurs sont dévolues et demande à l'Etat d'être garant de l'équité de traitement sur l'ensemble du territoire.
Longtemps considérées comme les laissées-pour-compte de l'application de la loi, les personnes sourdes et malentendantes font l'objet d'un plan spécifique présenté par Xavier Darcos et Nadine Morano le 10 février (4). L'Unisda (Union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif), qui accueille positivement cette initiative, relève que certaines des mesures qui y sont prévues font écho aux propositions des associations. Parmi les points jugés positifs : l'accent mis sur l'éducation des jeunes sourds et l'accompagnement de leurs parents, la formation des professions de la communication (interprètes en langue des signes française, codeurs en langage parlé complété...). Restant néanmoins vigilante, l'Unisda s'engage à faire un point tous les trois mois pour rendre compte du suivi de ce plan.
(2) Voir ASH° 2644 du 29-01-10, p. 26.
(3) Voir en dernier lieu la situation dans la Seine-Saint-Denis, sur le site Internet des ASH,