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SOUFFRANCE AU TRAVAIL DES PROFESSIONNELS : « SORTIR DE LA PLAINTE »

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Le mouvement MP4 -Champ social a mis en place un groupe de travail afin d'alerter sur la souffrance au travail des professionnels, qui retentit sur la relation d'aide. « Nous ne pouvons plus nous taire », affirme sa référente, Jacqueline Duchêne, psychologue clinicienne (1).

Comment est né ce groupe de travail ?

L'idée est venue en octobre 2008 à la suite des premières journées de MP4-Champ social. J'avais été frappée par la colère et le sentiment d'impuissance des professionnels. Moi-même, ayant travaillé de longues années en protection de l'enfance et intervenant dans le cadre de supervisions d'équipes, j'ai pu constater combien cette nouvelle souffrance au travail retentit sur les pratiques. La relation d'aide était jusqu'alors le levier de l'accompagnement. Elle est aujourd'hui menacée par la précarisation massive des publics et la dégradation des situations sociales et psychiques, mais aussi par les nouvelles orientations dans les services, la restriction des moyens, la logique de résultats... Elle l'est, plus encore, par les changements de représentations sur les populations - jeunes redevenus « la classe dangereuse », « pauvres » qui « ne veulent pas se lever tôt » - et sur le travail social, assimilé de plus en plus à une simple prestation de service.

Comment travaillez-vous ?

Le groupe de travail se réunit une fois par mois depuis février 2009 avec des professionnels de champs très divers. Ni groupe thérapeutique, ni groupe de parole, son objectif est de repérer ce qui fait souffrance dans le travail social à partir de la perception qu'en ont les praticiens. Un petit noyau de personnes s'est inscrit dans une réflexion de longue durée. D'autres viennent simplement dire ce qu'ils vivent. Nous recueillons également de nombreux témoignages d'Ile-de-France, de province et même des départements et territoires d'outre-mer à travers le questionnaire que nous avons mis en ligne (2). Nous espérons pouvoir établir, dans quelques mois, un premier état des lieux, qui servira de base à une recherche-action.

Qu'est-ce qui ressort de ces travaux ?

Si tous les secteurs sont concernés, certains le sont plus que d'autres. Les assistantes sociales hospitalières, affectées par les restructurations, ne vont pas bien du tout. Les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse sont exsangues tout comme, dans certains départements, ceux de la protection de l'enfance. Le champ de l'emploi et de la réinsertion est également très dur. J'ai découvert aussi la grande détresse d'intervenants - des conseillers en insertion recrutés par des conseils généraux, des écrivains publics... - qui ne sont pas travailleurs sociaux : ces personnels, qui ne sont pas formés à la relation d'aide, reçoivent de plein fouet la souffrance psychique des usagers. Enfin, beaucoup de cadres se plaignent d'une situation devenue difficilement tenable...

Quelles sont les conséquences ?

Les professionnels éprouvent un sentiment de culpabilité de ne pas bien faire leur travail, de laisser sur la route bon nombre de personnes. Certains se protègent en se désinvestissant affectivement, ils deviennent sourds, voire agressifs vis-à-vis de leurs publics. J'ai vu aussi des personnels d'équipes « s'organiser » autour des arrêts maladie pris à tour de rôle. D'autres se réfugient au contraire dans la fuite en avant, faisant jusqu'à 50 heures de travail par semaine. Les professionnels n'arrivent plus à garder la bonne distance - être dans l'empathie tout en ayant suffisamment de recul - indispensable à la relation d'aide. En outre, ils ne trouvent plus guère d'espaces au sein des institutions - supervision, analyse de la pratique, réunions de synthèse - pour penser cette relation, qui appelle chez eux un questionnement incessant, parfois douloureux.

Qu'attendez-vous de votre démarche ?

Nous voulons sortir de la plainte, analyser les processus de cette souffrance et voir comment, dans certains cas, les mécanismes de défense peuvent être contre-productifs pour soi-même, les collègues ou les usagers. Nous voulons alerter sur ce mal-être qui va « faire retour » sur le social : que vont devenir les enfants soumis à une telle violence institutionnelle lors de leur prise en charge ?

Notes

(1) Qui exerce par ailleurs à la PMI du conseil général de Seine-Saint-Denis - Contact : souffranceautravail@gmail.com.

(2) Disponible sur www.mp4-champsocial.org.

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