Après la Commission européenne en juin 2009 ((1), c'est au tour de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de remettre en cause la législation française en matière de droits à la retraite des pères fonctionnaires. Dans une décision du 11 février, la Haute Juridiction a en effet condamné la France pour avoir influé, par une loi rétroactive, sur le dénouement judiciaire d'un litige concernant la mise à la retraite anticipée d'un père fonctionnaire.
Dans cette affaire, un fonctionnaire a demandé, en janvier 2004, à partir en retraite anticipée du fait qu'il était le père de trois enfants qu'il avait élevés. Pour justifier sa demande, il s'est prévalu de l'arrêt « Griesmar » rendu le 29 novembre 2001 par la Cour de justice des communautés européennes (2). Cet arrêt, dont la solution a été reprise en 2002 par le Conseil d'Etat (3), avait déclaré les dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite contraires au principe d'égalité de rémunération entre hommes et femmes dans la mesure où elles réservaient aux femmes l'octroi d'une bonification de durée d'assurance vieillesse de un an par enfant, leur permettant ainsi de partir en retraite anticipée au bout de 15 ans de services effectifs. Sa caisse de retraite a toutefois refusé sa demande le 5 avril 2004 au motif que, selon la législation en vigueur, seul un agent féminin mère de trois enfants pouvait ainsi bénéficier d'une retraite anticipée. Le fonctionnaire a alors saisi, le 14 avril 2004, le juge administratif pour faire annuler cette décision. Mais son recours est resté vain car, entre-temps, une nouvelle loi rétroactive du 30 décembre 2004 - s'appliquant donc à toutes les demandes en cours devant les tribunaux - a modifié la législation en sa défaveur. Si cette loi pose le principe du droit à une retraite anticipée tant pour les femmes que pour les hommes, elle laisse toutefois subsister une différence importante. En effet, elle dispose que les fonctionnaires ne peuvent bénéficier de la bonification de durée d'assurance pour enfant qu'à la condition d'avoir interrompu leur activité pendant deux mois après la naissance de leur enfant. Condition qui, dans les faits, est automatiquement remplie par les femmes mais tout à fait exceptionnellement par les hommes.
Saisie en 2006 par le fonctionnaire, la Cour européenne des droits de l'Homme considère qu'il y a bien eu violation du droit au procès équitable car le requérant ne pouvait pas savoir que le tribunal ferait application d'une nouvelle loi et construire sa défense en conséquence. Par ailleurs, la Cour estime que « le but poursuivi par cette nouvelle disposition vise à réduire le nombre de mises à la retraite anticipée et ainsi préserver le seul intérêt financier de l'Etat en diminuant le nombre des pensions versées aux fonctionnaires ». Or « le seul intérêt financier de l'Etat ne permet pas de justifier l'intervention d'une loi rétroactive », rappelle la Cour, qui condamne l'Etat français à verser au fonctionnaire lésé la somme de 37 400 € tous préjudices confondus.