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Lumières dans l'ombre

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Deux expositions parisiennes apportent chacune un éclairage particulier sur l'univers carcéral. L'évolution des prisons parisiennes pour l'une, la détention des mineurs pour l'autre.

La prison est le lieu de l'ombre. La photographie met en lumière. Cet art peut-il alors rendre compte des réalités pénitentiaires ? Le musée Carnavalet présente 340 photographies réalisées dans les prisons de la capitale, de 1851 à nos jours. On a compté, au fil de ces années, 19 prisons parisiennes, dont les noms sont parfois oubliés : la Force, la Grande et la Petite Roquette, Saint-Lazare, Sainte-Pélagie...

Dans le corpus d'oeuvres sélectionnées figurent des photographies patrimoniales commandées par des institutions, des photos d'amateurs, de militants, des images à usage de propagande ou commandées par les journaux. Des tous premiers clichés de la démolition de la prison de la Force en 1851 par Henri Le Secq, aux reportages de 2009 de Jacqueline Salmon et Michel Séméniako à la maison d'arrêt de la Santé, la multiplicité et la diversité d'images tendent à contredire le titre de l'exposition, « L'impossible photographie ». Pourtant, selon Jean Gaumy, premier photojournaliste à être admis dans les prisons françaises dans les années 1970, « la réalité des prisons échappe à l'objectivité de la caméra ». En effet, les images ne peuvent pas totalement retranscrire le sentiment d'enfermement : manquent la répétition, la monotonie et l'ennui...

Reste que cette grande exposition propose un éventail de points de vue sur la prison. Des représentations parfois attendues, comme les photos de cellules (entre les images du XIXe siècle et celles d'aujourd'hui, la différence notable y est l'apparition d'objets de consommation courante), parfois plus symboliques, comme celles des anciennes voitures cellulaires transportant les prisonniers, oeuvres du studio Henri-Manuel, ou celles des mauvaises herbes poussant sur les murs de la Santé, capturées en gros plan par Mathieu Pernot, évoquant une forme de résistance. L'univers carcéral est éclairé par des textes littéraires et des films d'archives. Une exposition polyphonique, donc, classée par prisons, par thèmes ou par photographes, ce qui ne va pas sans une certaine confusion. Il ne manque qu'une chose : les visages des détenus, systématiquement barrés ou floutés.

Regards d'enfants

A l'inverse, dans les photos d'enfants détenus de Lizzie Sadin présentées à la galerie parisienne Fait et Cause, on voit bel et bien les regards tristes et confus. Ces huit dernières années, l'artiste, auparavant animatrice socio-éducative, a parcouru 11 pays pour témoigner de l'état de la justice juvénile. Malgré leurs caractéristiques géopolitiques différentes (pays en paix ou en conflit, Etats de droit ou régimes autoritaires...), on retrouve, d'un continent à l'autre, les mêmes cachots ou cellules d'isolement, la même détresse, la même volonté des matons de briser la résistance de jeunes détenus. A Madagascar, la misère est la cause de conditions de détention particulièrement épouvantables. Au Brésil, l'institut Padre Severino est tristement célèbre pour les traitements infligés aux mineurs par les gardiens. Aux Etats-Unis, les boot camps à encadrement militaire sont destinés à « déstabiliser les jeunes et leur apprendre à obéir ». Les légendes donnent des éclairages parfois violents. Au-dessous d'une image de réfectoire à la colonie pénitentiaire de Kolpino, à Saint-Pétersbourg, on peut lire : « Les repas ne durent que trois minutes effectives. Un gardien regarde sa montre et donne un coup de sifflet dès que le temps est écoulé. Les jeunes détenus doivent s'arrêter de manger et sortir les mains en l'air pour prouver qu'ils n'ont rien emporté à manger avec eux »... Des situations qui méritent d'être dénoncées, ce que fait la photographe à sa manière : « Dans le monde, plus d'un million d'enfants vivent en détention. L'idée est d'amener nos regards à l'intérieur de ces lieux et de porter le regard de ces jeunes à l'extérieur ».

« L'impossible photographie. Prisons parisiennes 1851-2010 » - Jusqu'au 14 juillet, au musée Carnavalet - 23, rue de Sévigné - 75003 Paris - Les samedis, conférences et projections de films gratuites - www.carnavalet.paris.fr

« Mineurs en peines » - Lizzie Sadin - Jusqu'au 12 mars, à la galerie Fait et Cause - 58, rue Quincampoix - 75004 Paris - Livre disponible aux éditions Actes Sud-Photo Poche - 12,80 €

CULTURE

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