L'AVOIR OU L'ÊTRE... Pour Marcel Nuss, atteint de tétraplégie et d'insuffisance respiratoire, savoir décrypter ses ressentis et y réagir très vite est essentiel, voire vital. Aussi, au fil des années, l'écrivain a-t-il apprivoisé ce corps qui était « condamné au pire depuis le départ ». Il a également réussi à s'abstraire du regard d'autrui, qui a tendance à ne voir du sujet que son apparence - ce « corps que j'ai » et non celui « que je suis », souligne l'intéressé. Les personnes vieillissantes sont confrontées au même type de décalage entre leur image interne, qui ne varie pas, et l'image de « vieux » que les autres leur renvoient. Pour explorer les représentations sociales du corps des personnes âgées ou handicapées et ce qu'il en est, chez ces dernières, de la « conscience incarnée propre à chaque individu qu'est le corps vécu », précise le philosophe Pierre Ancet qui l'a coordonné, cet ouvrage collectif propose plusieurs contributions de soignants (psychologues, psychanalystes, gériatres) ainsi que quelques témoignages à la première personne, dont l'intérêt fait regretter la rareté. Anne-Sophie Parisot, attachée parlementaire au Sénat, qui souffre de myopathie, analyse ainsi avec une grande finesse la façon dont, pour se protéger, elle est amenée à s'évader de son corps durant ses séances quotidiennes de soin, et combien sa relation à l'autre est parasitée par le regard de ce dernier, soit pesant et envahissant, soit au contraire anormalement fuyant. « Dans les deux cas, c'est toujours mon corps, mon apparence physique, mon enveloppe charnelle, qui est l'objet de toutes les attentions. »
Le corps vécu chez la personne âgée et la personne handicapée - Sous la direction de Pierre Ancet - Ed. Dunod - 23 €