Les jeunes en service civique volontaire vont-ils venir pallier - à moindres frais - la pénurie de professionnels sanitaires et sociaux ? C'est en tout cas la crainte de plusieurs organisations au lendemain de l'adoption, le 4 février, de la proposition de loi sénatoriale sur le service civique par l'Assemblée nationale (1). Cette dernière - qui doit encore être examinée en deuxième lecture au Sénat - prévoit que les jeunes volontaires de 16 à 25 ans pourront effectuer pendant 6 à 12 mois une mission d'intérêt général au sein d'une association, d'une collectivité locale, d'une organisation non gouvernementale (ONG), tant en France qu'à l'étranger.
Le 2 février, Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives, évoquait la possibilité pour les jeunes en service civique d'aller dans les établissements scolaires pour parler de sexualité aux élèves (2). Or, aujourd'hui, ce sont les infirmiers, les médecins et les assistants sociaux de l'Education nationale qui assurent ce type d'interventions, mais ils sont en nombre insuffisant. D'où la colère du Syndicat national des assistants sociaux de l'Education nationale (Snasen)-UNSA, qui estime que seuls les professionnels, « ayant une parfaite connaissance de la problématique adolescente » peuvent aborder l'éducation à la sexualité, à condition d'augmenter les effectifs. « Là serait la vraie réponse en termes d'efficacité et la preuve d'une réelle volonté ministérielle d'éradiquer ces problèmes. »
La tentation de voir utiliser les jeunes en service civique dans des secteurs où les moyens sont insuffisants est en tout cas bien présente. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement, avait déjà annoncé en novembre dernier que 2 000 jeunes devraient être affectés à des missions de premier accueil et d'urgence auprès des sans-abri. Ce qui avait été très mal accueilli par les associations, qui soulignaient, au contraire, la nécessité de professionnaliser le secteur (3). Les risques de confusion entre les volontaires et les salariés ont d'ailleurs été pointés par l'inspection générale des affaires sociales, qui a proposé un référentiel afin d'éviter les chevauchements (4).
Autre critique formulée par le Cnajep (Comité pour les relations nationales et internationales de associations de jeunesse et d'éducation populaire), la mise en oeuvre du service civique fait disparaître le volontariat associatif créé en 2006. « Sur le plan symbolique, nous regrettons cette disparition alors qu'aucune évaluation n'en a été faite. Il s'agissait pourtant d'un dispositif dédié au monde associatif, créé avec et pour les associations », explique Benoît Mychak, son délégué général. Et si la proposition de loi prévoit que le service civique peut prendre la forme d'un « volontariat de service civique » d'une durée de 6 à 24 mois, cela n'est réservé qu'aux personnes de plus de 25 ans, regrette-t-il.
(2) Cette annonce fait suite au rapport de l'IGAS sur les politiques de prévention des grossesses non désirées et de la prise en charge des IVG - Voir ASH n° 2645 du 5-02-10, p. 18.