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Le volet « mineurs » du projet de loi sur la sécurité intérieure contesté

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Plusieurs organisations s'inquiètent de dispositions du projet de loi pour la sécurité intérieure - couvre-feu pour les enfants, élargissement du contrat de responsabilité parentale - qui, si elles étaient appliquées, bousculeraient le dispositif de protection de l'enfance.

«Quand se posera-t-on enfin les bonnes questions pour apporter des réponses pertinentes à la délinquance juvénile, véritable enjeu pour notre société ? » C'est le débat que ne désespère pas de poser la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE, ex-Unasea) (1), à la lecture du projet de loi « d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure », examiné depuis le 9 février à l'Assemblée nationale. Le texte issu de la commission des lois - qualifié de « énième fourre-tout législatif » portant atteinte aux libertés par le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France - comporte en effet des mesures concernant les mineurs dans un volet « sécurité quotidienne et prévention de la délinquance ». Par des amendements du gouvernement et du rapporteur du projet de loi, le député (UMP) des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, il donne un corps législatif au « couvre-feu » pour les mineurs de 13 ans, que le ministre de l'Intérieur avait appelé de ses voeux en novembre dernier.

Selon le texte, le préfet pourrait décider « une mesure tendant à restreindre la liberté d'aller et venir des mineurs de 13 ans lorsque le fait, pour ceux-ci, de circuler ou de stationner sur la voie publique, entre 23 heures et 6 heures, sans être accompagnés de l'un de leurs parents ou du titulaire de l'autorité parentale, les expose à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité ». Mais la décision pourrait aussi viser individuellement un jeune de 13 ans concerné par un contrat de responsabilité parentale, ayant fait l'objet d'une mesure ou d'une sanction pénale signalée par le procureur de la République, ou lorsqu'un tel contrat n'a pu être signé du fait des parents. Les familles ne respectant pas cette mesure pourraient être sanctionnées par une amende. Dans la perspective de la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale, le procureur de la République informerait le président du conseil général et le préfet des suites données aux infractions commises par le mineur. Autre disposition : lorsqu'un contrat n'a pu être signé faute d'accord de la famille, le président du conseil général pourrait leur adresser « un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l'autorité parentale et prendre toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation ».

Une nouvelle fois, s'insurge la CNAPE, qui rappelle « les difficultés de mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance », ce texte instaure une « confusion des rôles, des finalités, des dispositifs » en invoquant la protection de l'enfance pour répondre à des préoccupations de sécurité intérieure. Au-delà de ses doutes sur la pertinence d'un « couvre-feu » pour résoudre les difficultés rencontrées par les familles, l'organisation y voit le risque de bousculer « le binôme conseil général-autorité judiciaire ». Outre qu'il semble omettre qu'en cas de refus par une famille d'accepter un soutien éducatif, il appartient au conseil général de saisir le juge des enfants, le projet de loi donne la possibilité au préfet de décider de la remise d'un mineur au service de l'aide sociale à l'enfance (en cas d'urgence et dans le cas d'une impossibilité du représentant légal) pour un accueil provisoire. Le conseil général, davantage incité à mettre en oeuvre des contrats de responsabilité parentale, pourrait par ailleurs être contraint à « assumer un rôle dont la majorité des maires n'ont pas voulu : celui de rappeler à l'ordre les familles connaissant des «carences éducatives» ». Au final, tout le dispositif de protection de l'enfance pourrait se trouver perverti, redoute l'organisation.

Cette inquiétude est partagée par Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny (2), qui rappelle que le contrat de responsabilité parentale, contesté dès sa création (3), n'a d'ailleurs pas vraiment « pris » sur le terrain. Avec ce dispositif, « on entend instrumentaliser l'action sociale », estime-t-il, avec le risque « de brouiller l'image du travail social qui tente de gagner la confiance des parents et des enfants ». Dans ce contexte les professionnels pourraient se voir assimilés à des « contrôleurs sociaux », une étiquette « à laquelle ils tentent d'échapper depuis 40 ans ». Pour toutes ces raisons, ces mesures, insérées « sans lien avec les autres projets si ce n'est celui de l'idéologie de la tolérance zéro », sont « dangereuses et inefficaces », juge également le Syndicat national des personnels de l'éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU. « Rien n'est dit sur la prévention et l'accompagnement des parents en difficulté, ajoute-t-il, si ce n'est la suppression des allocations familiales [sanction prévue dans le cadre du contrat de responsabilité parentale], serpent de mer qui revient régulièrement et qui n'a d'autre vertu que celle d'une menace dénuée de morale, par ces temps de précarité pour de nombreuses familles et, de surcroît, contre-productive. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2645 du 5-02-10, p. 23. Sont membres de la CNAPE, Adessa A domicile, l'ANPF, le Cnaemo, la Fenaah, le CNDPF, la FN3S et l'UNAPP - CNAPE : 118, rue du Château-des-Rentiers - 75013 Paris - Tél. 01 45 83 50 60.

(2) http://jprosen.blog.lemonde.fr.

(3) Par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

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