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Surendettement, services à la personne et lutte contre le sida : les sévères critiques de la Cour des comptes

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Dans son traditionnel rapport annuel, rendu public le 9 février (1), la Cour des comptes passe au crible la mise en oeuvre d'un certain nombre de politiques publiques. Parmi les très nombreux sujets abordés cette année par la Haute Juridiction financière : la lutte contre le surendettement, la politique des services à la personne et la politique de lutte et de prévention du VIH/sida.

Lutte contre le surendettement : une politique incomplète et mal pilotée

Certes, reconnaît la Cour des comptes, la politique de lutte contre le surendettement mise en place il y a 20 ans par la loi « Neiertz » du 31 décembre 1989 a permis, « grâce à une adaptation législative régulière », de procéder à un traitement de masse des situations de surendettement, dont le nombre n'a cessé de croître au cours de cette période. Mais, déplore-t-elle, elle « est déséquilibrée, le dispositif légal visant davantage à traiter la situation des surendettés qu'à prévenir le surendettement ». Selon les magistrats de la rue Cambon, cette politique « intervient comme traitement social des problèmes provoqués par une régulation insuffisante de la distribution du crédit à la consommation » : pas de consultation du fichier des incidents de paiement ni des bulletins de salaire de l'emprunteur, octroi de crédits à des personnes privées de leurs facultés mentales... Selon la cour, le projet de loi réformant le crédit à la consommation (2), en cours d'examen au Parlement, « prend en compte une partie des préoccupations relatives à la prévention du surendettement ». La juridiction financière recommande toutefois de « veiller à un suivi attentif des résultats produits par l'encadrement, par le projet de loi [...], des «cartes confuses», à la fois cartes de fidélité et cartes de crédits renouvelables, et d'étudier la possibilité de les interdire à terme si les mesures prévues s'avèrent inefficaces ».

Le dispositif de lutte contre le surendettement souffre par ailleurs d'un défaut de pilotage par l'Etat. Les ministres chargés de l'économie et du budget n'envoient aucune instruction aux préfets alors que la loi confie à ces derniers la présidence des commissions. Conséquence : leur composition est « insuffisamment maîtrisée » et « relève davantage des choix individuels des acteurs concernés que d'une politique pilotée ». Concrètement, par exemple, toutes les commissions ne comprennent pas le juriste et le conseiller en économie sociale et familiale pourtant prévus par la loi. Pour la cour, cet état de fait, auquel le caractère bénévole de ces activités n'est sans doute pas étranger, « est gênant alors que le projet de loi en discussion [leur] confère un statut de commissaire de plein exercice ». Le manque de pilotage par l'échelon central entraîne, par ailleurs, « des écarts significatifs et mal justifiés entre les décisions des commissions ». Ainsi, les critères de recevabilité sont « mouvants » d'une commission à l'autre et « l'évaluation du «reste à vivre» est l'objet de distorsion ». La Haute Juridiction recommande donc de mettre en place, au niveau national, un pilotage stratégique par les services de l'Etat et, au niveau local, un rendez-vous annuel des chefs de services déconcentrés concernés avec la Banque de France afin de s'assurer de la cohérence des critères et des barèmes utilisés par les commissions, critères et barèmes qui doivent être harmonisés au moins à l'échelon régional.

La Cour des comptes souhaite également que la Banque de France améliore la connaissance statistique du surendettement afin, par exemple, de mieux cerner les causes de « redépôts » de dossiers. Enfin, elle demande qu'un suivi social des surendettés soit mis en place de façon systématique « à travers un signalement aux services sociaux du conseil général et une orientation des surendettés vers des associations familiales et/ou de consommateurs susceptibles d'assurer une formation à la «gestion familiale» ». Actuellement, « aucune relation institutionnelle n'existe avec les services sociaux du département, sauf si le représentant du secteur social à la commission en fait partie ».

Services à la personne : un dispositif coûteux et mal ciblé

« En 2009, l'effort financier public en faveur des services à la personne atteint près de 6,6 milliards d'euros, sous la forme d'exonérations fiscales et sociales qui bénéficient à 3,4 millions de particuliers employeurs, à environ 7 000 associations et 4 700 entreprises agréées. » Pour autant, relève la cour, l'objectif de 500 000 emplois à créer en trois ans, prévu par le plan « Borloo » de 2005, est loin d'être atteint : en équivalent temps plein, le nombre d'emplois créés s'élevait en 2006 à 36 000 et en 2007 à 39 000, assistantes maternelles incluses. Même si, en 2008, plus de 30 % des nouveaux emplois ont été créés dans le secteur des services à la personne, « on reste loin des 500 000 emplois évoqués initialement », estime la Haute Juridiction. En outre, critique-t-elle, « le dispositif d'aide bénéficie davantage aux ménages les plus aisés, déjà les plus enclins à recruter des employés de maison ». La cour estime par ailleurs que la prise en compte des personnes vulnérables doit être améliorée, notamment en ciblant plus précisément certains dispositifs d'aide sur ces publics. Aujourd'hui, souligne-t-elle, toutes les personnes de plus de 70 ans « bénéficient de l'exonération de cotisations sociales, qu'elles aient besoin ou non d'une assistance particulière dans leur vie quotidienne ». Autre point noir relevé par la cour : l'insuffisance des contrôles opérés par l'administration auprès des organismes habilités à intervenir sur des publics fragiles via l'agrément « qualité ». Les magistrats jugent également indispensable que tous les acteurs du secteur conduisent « les travaux nécessaires, tant sur le plan des conventions collectives que sur celui de la formation et des diplômes, pour améliorer la professionnalisation » des salariés, seuls 30 % des intervenants à domicile possédant une qualification.

Lutte contre le sida : une politique « insuffisamment active »

Le pilotage de la lutte contre le sida « se caractérise par sa faiblesse et son manque de continuité », estime la Cour des comptes. En dépit de la poursuite de l'épidémie, elle déplore le caractère « marginal » des dépenses qui y sont consacrées (un peu plus de un milliard d'euros pour le régime général en 2007) et le fait qu'elles servent essentiellement à la prise en charge sanitaire des patients. La prévention et le dépistage sont ainsi les parents pauvres de la politique de lutte, avec 54 millions d'euros en 2008 (3). La cour pointe également le manque de coordination des acteurs concernés et l'absence de dialogue avec les associations, qui pourtant « exercent une influence souvent déterminante sur les orientations de la politique de lutte contre le VIH/sida ». Selon elle, les plans de lutte « s'enchaînent imparfaitement dans le temps » au regard de l'évolution de la maladie, notamment du fait de « la rotation accélérée des cadres de la direction générale de la santé ». Au final, souligne l'instance, « le ministère de la Santé peine à affirmer une stratégie de santé publique autonome ».

Dans ce contexte, la Cour des comptes juge nécessaire de mieux cibler les actions de prévention, notamment en direction des homosexuels, des migrants et des personnes séropositives. Une recommandation que le ministère de la Santé semble avoir d'ores et déjà prise en compte dans son futur plan de lutte 2010-2013 (4). Pour infléchir le cours de la maladie, l'instance recommande de systématiser la proposition de dépistage dans certaines circonstances (grossesse, viol...). Elle suggère aussi de mieux valoriser les consultations de dépistage anonyme et gratuit. Si leur nombre et leur utilité a augmenté, leurs modalités de fonctionnement doivent être améliorées car, d'une part, « leurs plages horaires sont parfois étroites et les conditions d'accueil [...] peu propices à l'anonymat » et, d'autre part, le manque de disponibilité des personnels médicaux laisse peu de place au dialogue avec les personnes atteintes par le virus.

Notes

(1) Rapport public annuel 2010 - Disponible sur www.ccomptes.fr.

(2) Voir ASH n° 2607 du 1-05-09, p. 16 et n° 2628 du 16-10-09, p. 6.

(3) Ce montant n'intègre pas les subventions aux associations, accordées par les services déconcentrés du ministère de la Santé.

(4) Voir ASH n° 2635 du 4-12-09, p. 9.

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