« Vos yeux ont l'air magique ! - Ils le sont, ils me permettent de voir l'inaperçu, l'invisible, tout ce qui est caché, dissimulé, au-delà des apparences et que l'on ne donne jamais à regarder ! Grâce à ces yeux, jeune enfant, je vois... je vois... les intentions ! », écrit Nathalie Fernandes dans la nouvelle Monsieur Rémart. Avec ce texte qui décrit poétiquement la cécité, elle est l'une des auteures lauréates du concours d'écriture Dire le non-visuel. Réunies dans L'autre beauté du monde, les vingt nouvelles primées à l'occasion des deux cents ans de la naissance de Louis Braille par le Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes offrent un espace de dialogue entre voyants et non-voyants. On rencontre, au fil de ces vingt récits, des personnages privés de vue, d'autres provisoirement aveuglés, d'autres encore délibérément attentifs à tous leurs autres sens. Le jury a donné tant la place à des fictions, rédigées par exemple au cours d'ateliers d'écriture braille par des élèves voyants, qu'à la biographie d'une aveugle équatorienne - L'Arc-en-ciel, de Rosa Elena Martinez Santos -, particulièrement touchante lorsqu'elle raconte comment elle a perdu la vue : « J'ai tout de suite eu le sentiment qu'il ne s'agissait que de mon début dans le monde des ténèbres et la fin des beaux jours, des jours des lumières, des ciels bleus, des jardins fleuris, et ce serait la fin aussi des chaleureux sourires de ma mère et des tendres regards de mon petit frère. » Le fil conducteur de toutes ces nouvelles est créé par les sensations non visuelles. Inégales, entre histoires d'amour, drames humains, anecdotes ou combats personnels, toutes permettent de se poser des questions : Comment connaissons-nous le monde autrement que par la vue ? Que nous apprennent des gens une voix, une poignée de main, une embrassade ? Et que pouvons-nous dire du son, de l'odeur, du toucher des objets que nous manipulons ?
L'autre beauté du monde - Ed. de la Loupe (