«L'année 2010 est celle du cinquième risque », a déclaré le président de la République le 15 janvier dans ses voeux aux partenaires sociaux. Saisissant la balle au bond, le collectif « Une société pour tous les âges » voit dans cette annonce « une nouvelle dynamique » qui permet de relancer le débat sur la prise en charge de la perte d'autonomie et la création d'une cinquième branche de protection sociale. Constitué en 2007 à l'initiative du site Agevillage, il rassemble de façon informelle des associations de familles et de directeurs d'établissement pour personnes âgées ainsi que des personnalités qualifiées et des chercheurs (1). Signataires du manifeste « Une société pour tous les âges », ils sont à l'origine d'un courrier envoyé aux candidats à la dernière présidentielle, leur posant 12 questions sur la dépendance (2).
Depuis, si la question de la création d'un risque lié à la perte d'autonomie n'a cessé d'être évoquée par les différents ministres, la réflexion bute sur la question de son financement. Chargée en 2007 par le président de la République d'une réflexion sur ce sujet, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) définit, dans un rapport d'octobre 2007, les contours d'une nouvelle branche de protection sociale. Surtout « elle jette un pavé dans la marre, en préconisant la création d'un droit universel de compensation pour l'autonomie quel que soit l'âge », explique Bernard Ennuyer, sociologue et directeur d'un service d'aide à domicile. Porteur d'espoir pour de nombreux acteurs du secteur des personnes âgées mais aussi du handicap, ce document, s'il a fait couler beaucoup d'encre, n'a pas été suivi d'effets. Il est mis à mal, en juillet 2008, par le rapport de la mission sénatoriale Marini sur la dépendance (3), qui fait disparaître l'idée de convergence entre les publics et ne parle plus que de personnes âgées dépendantes. « C'était le retour de la divergence ou du rapprochement impossible entre les publics, essentiellement en raison de budgets insuffisants : il faudrait environ huit milliards d'euros selon ce rapport pour aligner l'APA [allocation pour l'autonomie] sur la PCH [prestation de compensation du handicap] », indique Bernard Ennuyer. Focalisé sur la question du financement, ce rapport envisage clairement une prise en compte du patrimoine des personnes âgées et le recours à l'assurance privée. Des propositions qui vont à l'encontre de celles de la CNSA, cette dernière privilégiant la solidarité nationale comme principale source de financement. Depuis le rapport Marini, ce chantier n'a fait l'objet d'aucune avancée majeure, les ministres successifs ne dépassant pas le stade de la promesse d'un projet de loi à venir, qui ferait intervenir des financements publics et privés.
Aujourd'hui, alors que le chef de l'Etat a clairement relancé le débat et que dans l'entourage de Xavier Darcos, ministre du Travail et des Relations sociales, on indique qu'une réforme du financement de la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées pourrait être abordée juste après les élections régionales et avant la réforme des retraites, l'espoir renaît de voir le chantier repartir (4).
Dans cette perspective, le collectif souhaite apporter des éléments de débat afin d'éviter un droit a minima. Il rappelle déjà les trois enjeux politiques et idéologiques qu'il va falloir trancher : la suppression de la barrière d'âge des 60 ans et de la discrimination entre l'APA et la PCH. Cette question est d'autant plus cruciale que l'article 13 de la loi « handicap » du 11 février 2005 impose dans un délai maximum de cinq ans, la suppression effective de cette barrière d'âge en matière de compensation de la perte d'autonomie (5). Les deux autres questions pointées par le collectif sont celle de la gestion de ce champ de protection sociale et celle, bien sûr, du financement de ce nouveau droit personnalisé : quelles sommes mises en jeu et surtout où sera placé le curseur entre le recours au financement de solidarité, à la prévoyance collective et à l'assurance individuelle ? Le collectif évoque également trois autres points, d'ordre plus technique : la nature des prestations pour favoriser l'autonomie des personnes en situation de handicap quel que soit leur âge, l'évaluation permettant de définir le plan d'aide et de garantir un traitement équitable et enfin la professionnalisation des métiers. Sur chacun de ces thèmes, il souhaite diffuser des outils (contributions écrites disponibles sur le blog du collectif) pour permettre aux citoyens de mieux comprendre le débat et d'y prendre part.
« Ce débat sur le cinquième risque va intervenir au même moment que celui de la réforme des retraites : c'est le moment de reparler du contrat social, de l'équité entre les générations », analyse Bernard Ennuyer.
Sur les grands principes, les membres du collectif se disent attachés à la solidarité intergénérationnelle dans la prise en charge de l'ensemble de la perte d'autonomie quel que soit l'âge. Ils appellent aussi les familles de personnes handicapées à se joindre à eux, car « il faut qu'elles prennent conscience que si elles ne le font pas elles seront moins aidées que leurs propres enfants ».
N. C.
(1) Notamment l'AD-PA, France Alzheimer, la Fnapaef, la Fédération nationale de gérontologie, le professeur de gérontologie Jean-Claude Henrard... -
(4) Un grand rendez-vous national avec et autour des aînés sera organisé en avril-mai prochain sur le thème « Comment voulons-nous vieillir ? ».
(5) Selon les interprétations, on estime que cette barrière d'âge devrait être abrogée dès février 2010, soit cinq ans après la publication de la loi « handicap » de 2005. Pour d'autres, l'échéance tomberait cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, soit en janvier 2011.