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Les encadrants en ESAT disent leur quotidien

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Les encadrants de travailleurs du secteur protégé exerçent à la fois une fonction éducative et d'organisation de la production. Une étude lève le voile sur ces accompagnateurs méconnus.

Educateurs techniques spécialisés ou moniteurs d'atelier, les encadrants de travailleurs handicapés dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) assurent une double tâche : à la fois fonctionnelle, puisqu'il s'agit d'assurer la production de l'atelier (commandes des clients, organisation collective du travail...), et éducative et sociale auprès des travailleurs handicapés. Le 27 janvier, à l'occasion, d'une journée régionale de formation des personnels des ESAT, le CREAI (centre régional d'études et d'actions sur les inadaptations et les handicaps) de Bretagne a braqué le projecteur sur ces professionnels méconnus afin de recueillir leurs témoignages sur leur perception de l'évolution du secteur. Dans une étude (1), il analyse 25 entretiens menés auprès d'encadrants de 13 ESAT. Parmi eux, 70 % sont des hommes et les deux tiers travaillent dans la même structure depuis plus de dix ans. Tous constatent une diversification de la population accueillie. Ainsi, les publics majoritaires il y a quelques années - des personnes reconnues avec une déficience mentale depuis l'enfance - laissent la place à des personnes plus âgées, qui viennent parfois du milieu ordinaire de travail, ont eu des parcours plus cahotiques liés à des difficultés sociales ou encore souffrent de handicaps psychiques.

La diversification des publics crée une assez grande hétérogénéité dans le groupe, certaines personnes ayant des capacités plus importantes que d'autres. « L'enjeu pour les encadrants est que ces différences ne créent pas de hiérarchie », indique l'étude, certains travailleurs ayant tendance à se mettre en position de « leaders », en imposant leur point de vue à d'autres. Pour lutter contre ce phénomène et éviter que des travailleurs ne se retrouvent rejetés, certains encadrants favorisent l'organisation d'équipes avec des travailleurs référents, qui vise à favoriser l'entraide. Cela dépend cependant des contraintes liées au type de tâches. Ainsi les ateliers qui ont une certaine autonomie dans la production se prêtent mieux que d'autres à l'organisation de sous-groupes : entretien des espaces verts, de locaux d'entreprises, ou chez des particuliers notamment. Cependant, si autonomie et capacités d'initiative sont valorisées, l'encadrant doit aussi faire respecter le règlement de fonctionnement de l'ESAT ou celui propre à l'atelier. Il joue alors « un rôle déterminant dans la manière dont les différentes règles vont être vécues au quotidien par les travailleurs, dans le respect que les uns et les autres doivent se montrer ». Dans le cadre imposé, il permet une certaine souplesse pour contribuer au bon fonctionnement de l'atelier. Parmi les postures adoptées, les encadrants n'hésitent pas à solliciter les travailleurs handicapés sur leurs savoirs, de façon à éviter de se mettre en position de toute-puissance : « Par exemple, pour le rangement, ce sont eux qui m'ont dit ce qui leur semblait le mieux et le plus rapide », explique une monitrice d'atelier de conditionnement.

Tout en maintenant une distance professionnelle, des liens d'ordre affectif se tissent entre encadrants et travailleurs. En témoigne aussi le tutoiement, qui semble de mise dans tous les ateliers, les encadrants considérant que vouvoyer serait installer une distance artificielle. La régulation de la vie collective s'opère aussi par la mise en place de groupes de parole, qui permettent à chacun de s'exprimer : « J'ai mis en place une réunion de bilan où chacun devait proposer quelque chose pour que tout se passe bien, ça a permis de percer l'abcès », raconte une monitrice d'un atelier de repassage.

Il faut dire que la loi 2002-2 a permis d'encourager l'expression des travailleurs. En instaurant les droits des usagers dans les établissements, elle a modifié le positionnement des travailleurs handicapés et leur rapport aux encadrants. Ces derniers expriment ainsi « beaucoup plus de demandes à leurs encadrants ». Cet « engouement général » se traduit par des demandes diverses : consulter son dossier, faire des stages à l'extérieur, changer d'atelier ou avoir davantage de responsabilités. Les conseils de la vie sociale (CVS) ont un grand succès : « Sur mon atelier, il y a eu 9 candidates sur 26, c'est énorme, je n'ai jamais vu ça... Elles ont envie de jouer un rôle dans l'atelier », raconte une monitrice d'un atelier de sous-traitance.

L'étude montre que les encadrants sont attentifs au bien-être des usagers. Tensions entre travailleurs, regard inhabituel de l'un ou de l'autre, tristesse ou morosité sur un visage... sont autant de signes qui les incitent à apporter une amélioration. Cela passe par l'éloignement provisoire d'une personne, la rotation d'un travailleur d'un atelier à l'autre ou encore l'organisation d'un temps partiel.

Lorsque le conflit éclate, sur le coup les encadrants vont parfois chercher le soutien d'un collègue et se tournent ensuite vers le psychologue de l'équipe. « Par exemple, une fille a voulu s'ouvrir les veines dans l'atelier, la psychologue et le directeur ont été informés. Et avec le recul on a appris à savoir comment réagir la prochaine fois », raconte un moniteur dans un atelier alimentaire. La bientraitance passe aussi par le confort corporel des travailleurs. Les encadrants interviennent pour alléger les difficultés que certains peuvent rencontrer sur leur poste de travail et sont attentifs aux règles d'hygiène et de sécurité. Ils interviennent par exemple pour orienter un travailleur vieillissant vers un atelier alterné ou pour l'achat d'une loupe pour une personne malvoyante.

En conclusion, l'étude distingue trois types d'appréciation faite par les encadrants sur l'évolution de leur métier. Le premier, d'ordre conjoncturel, porte sur l'évolution de la production liée à une logique concurrentielle plus forte en temps de crise et une difficulté plus grande à atteindre les objectifs (2). Le deuxième porte sur l'organisation des établissements (nécessité par exemple de remplir plus de documents qu'avant) et sur l'évolution des textes de loi ou des financements (diminution des moyens financiers). Enfin, le dernier pointe la complémentarité de la fonction technique liée à la production et de l'accompagnement social, ainsi que l'usage du travail comme support à une évolution et un bien-être des personnes handicapées.

Notes

(1) Etre encadrant de travailleurs handicapés en ESAT aujourd'hui , publié dans A propos de... n° 33 - Janvier 2010 - Disponible sur www.creai-bretagne.org.

(2) Voir ASH n° 2635 du 4-12-09, p. 28.

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