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Souffrance au travail, malaise dans l'organisation ?

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La prévention et la prise en charge du stress professionnel deviennent des enjeux cruciaux de la politique du travail et de la gestion des relations du travail, dans l'entreprise privée comme dans les organisations sanitaires et sociales. De façon dramatique, les suicides de salariés de quelques grandes entreprises ont mis ce sujet sur le devant de la scène médiatique. Xavier Darcos, le ministre du Travail, a décidé en octobre 2009 de lancer un plan d'action d'urgence pour mobiliser les employeurs des secteurs privé et public sur la prévention des risques psychosociaux. Il est notamment demandé à toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés d'ouvrir des négociations sur le stress et de les avoir engagées significativement avant le 1er février 2010 - moment où cette chronique paraît.

Les causes de la souffrance au travail sont multiples. Le développement des fusions-absorptions et des restructurations, la « procédurisation » du management et l'obsession du reporting, qui suppriment peu à peu toute marge de jeu et d'adaptation dans les collectifs de travail. L'excessive individualisation à laquelle aboutit la déclinaison descendante des objectifs de performance, à l'encontre de toute notion de responsabilité collective. La sophistication des organigrammes dits « matriciels », à entrées multiples, avec chaîne hiérarchique et chaînes fonctionnelles, et son cortège de « réunionite », de contradictions possibles et d'injonctions paradoxales. C'est à partir de là qu'un sentiment d'insécurité peut se développer chez ceux que l'on considérait jusqu'alors comme les privilégiés de la société duale, les travailleurs du secteur public et les salariés de grandes entreprises ou organisations âgés de 30 à 55 ans.

Des facteurs plus sectoriels peuvent aussi s'y ajouter - par exemple, dans les champs éducatif, sanitaire et social, la confrontation aux incivilités, à des phénomènes de violence dans la relation avec les usagers, l'usure professionnelle ou « burning out » -, insuffisamment pris en compte dans la gestion des carrières tout au long d'une vie professionnelle. Là se posent des questions aussi importantes que la reconnaissance du rôle des équipes, la mise en oeuvre de dispositifs de soutien ou d'accompagnement internes aux services, l'organisation des mobilités professionnelles, l'enrichissement des postes, et notamment l'adaptation des fins de carrières.

Causes multiples, mais défi majeur : comment réanimer les collectifs de travail ? Comment réintroduire du jeu dans les organisations, c'est-à-dire des processus de régulation au plus près du terrain ? La lutte contre la souffrance au travail ne sera pas d'abord une affaire de normes légales, même si la protection de la santé mentale du travailleur a fait en 2002 son entrée dans le code du travail. Pour ce qui est des normes contractuelles et du dialogue social interprofessionnel ou de branches, l'accord interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur la prévention du stress professionnel n'a d'ailleurs pas connu de déclinaisons très significatives sur le terrain.

Le stress, c'est d'abord un sentiment d'isolement et d'impuissance par rapport au décalage entre sa perception du travail, les objectifs fixés et les critères de reconnaissance. Cela passe par un changement des cultures managériales, sans lequel le recrutement de spécialistes des nouveaux risques psychosociaux ou l'appel à des consultants restera inefficace. Combien d'entreprises ou d'associations évaluent-elles leurs cadres pour une part sur des critères de performance sociale, de bien-être au travail de leurs subordonnés ? Quelle place donne-t-on à des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs permettant d'approcher les risques psychosociaux, dans des analyses de type bilans sociaux légaux ou bilans sociétaux produits au titre de la responsabilité sociale des entreprises ? Quelles impulsions des négociations collectives pourront-elles donner à la création de procédures d'alerte ou de médiation, à la réactivation de modalités d'expression collectives sur les lieux de travail, au développement d'actions de prévention de l'usure professionnelle ? Tout se joue sur le lieu de travail, c'est là que peut fonctionner le collectif de travail, mais rien ne peut se faire sans l'évolution des pratiques managériales et l'existence d'un dialogue social facilitateur. L'objectif doit être, à travers une réflexion sur l'organisation du travail, de donner un contenu concret à une définition de la santé au travail conforme au concept de l'Organisation mondiale de la santé de « bien-être physique et mental ». Ce n'est pas une simple question de gestion des ressources, c'est aussi une affaire de cohésion sociale.

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