Jusqu'à présent, l'inceste ne faisait l'objet d'aucune définition juridique et n'apparaissait qu'implicitement dans le code pénal au travers soit des circonstances aggravantes au viol et aux autres agressions sexuelles, soit des interdictions au mariage dans le code civil. Pour mettre fin à cette situation, le Parlement a, le 26 janvier, adopté définitivement une proposition de loi inscrivant l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et tendant à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux. « En qualifiant juridiquement ce type d'infractions, [la loi] amènera les jurés des cours d'assises à se prononcer spécifiquement dans leur verdict sur l'existence d'un inceste. L'inceste ne sera donc pas nommé seulement dans la loi : il le sera pour chaque victime par la juridiction de jugement, ce qui constitue un premier pas vers une reconstruction possible des victimes - ou, en tout cas, l'un de ses éléments », a souligné le secrétaire d'Etat à la justice, lors des débats à l'Assemblée nationale.
La loi qualifie désormais d'inceste les viols et les agressions sexuelles commis au sein de la famille sur un mineur par son ascendant, son frère ou sa soeur, ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin, d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Cette qualification est aussi retenue lorsque l'une de ces personnes majeures exerce sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur un mineur. D'ailleurs, le texte précise dorénavant que la contrainte peut être physique ou morale, soulignant que « la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ». Signalons que l'inceste n'ayant pas été érigé en une infraction spécifique, ces dispositions sont donc de nature interprétative et s'appliqueront aux affaires concernant des faits commis avant la publication de la loi au Journal officiel.
En outre, la loi souligne que, lorsque le viol incestueux ou l'agression sexuelle incestueuse est commis contre un mineur par une personne titulaire de l'autorité parentale, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de cette autorité, y compris en ce qui concerne les frères et soeurs mineurs de la victime. Une démarche qui n'était prévue jusqu'alors qu'en cas de simple agression sexuelle.
La loi harmonise en conséquence les articles du code pénal prévoyant les circonstances aggravantes de diverses infractions en cas d'inceste. A titre d'exemple, alors que l'article 222-24 prévoyait jusqu'à présent que le viol est puni de 20 ans de réclusion criminelle « lorsqu'il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », la loi précise désormais que tel sera le cas « lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Notons que, en première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité distinguer clairement les faits incestueux de ceux commis par une personne ayant autorité sur la victime afin de mieux identifier, parmi les victimes d'infractions sexuelles, celles qui ont été victimes de faits incestueux et les autres afin, notamment, d'adapter la prise en charge des victimes d'inceste à la spécificité des traumatismes qu'elles ont subis. Mais la commission des lois du Sénat n'a pas retenu cette rédaction qui aurait fait de l'inceste une nouvelle infraction et n'aurait donc été applicable qu'aux seuls faits commis après la publication de la loi au Journal officiel.
Afin d'améliorer la prévention, la loi complète les missions du service public de l'enseignement en prévoyant que les écoles, les collèges et les lycées assurent désormais une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité. Aussi, souligne le texte, la problématique des « violences intrafamiliales à caractère sexuel » doit-elle être abordée avec les élèves dans le cadre de la séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée organisée par les chefs d'établissement et associant les familles, l'ensemble des personnels, ainsi que les services publics de l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance.
En outre, la loi prévoit que la formation des personnels enseignants ainsi que de toutes les personnes intervenant auprès des enfants (médecins, travailleurs sociaux...) en matière de prévention des mauvais traitements doit comporter un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l'encontre des mineurs et leurs effets.
Pour accompagner les victimes dans leurs démarches judiciaires, la loi prévoit que les associations de protection de l'enfance régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent désormais exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'inceste.
Le texte stipule également que, lorsqu'il est saisi de faits à caractère incestueux, le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne obligatoirement un administrateur ad hoc pour protéger les intérêts du mineur et exercer, le cas échéant, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile.
Enfin, la loi prévoit que le gouvernement remettra au parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport examinant, d'une part, les modalités d'amélioration de la prise en charge des soins, notamment psychologiques, des victimes d'inceste et, d'autre part, celles de mise en oeuvre de mesures de sensibilisation du public, notamment des mesures d'éducation et de prévention à destination des enfants.