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VAE : au-delà de la certification, un enjeu de mobilité

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L'accompagnement à la VAE ne se limite pas à mettre une expérience professionnelle singulière en conformité avec un référentiel de compétences. Il doit également prendre en compte les logiques de parcours des candidats, défend Serge Jamgotchian, chargé de mission sur les questions d'orientation et de mobilités professionnelles à l'IRTS PACA et Corse de Marseille

«Un des enseignements majeurs que nous pouvons maintenant tirer de la validation des acquis de l'expérience (VAE), est que cette autre voie d'accès au diplôme est aussi - et sera probablement de plus en plus dans les années à venir - un dispositif ayant vocation à susciter et étayer les processus individuels de mobilité professionnelle.

Nous pouvons témoigner, avec d'autres opérateurs d'accompagnement en VAE, que cette démarche, dont l'objet premier est la certification, est fréquemment utilisée - pour ne pas dire «détournée» - par les candidats soucieux de questionner leur parcours et éventuellement de lui donner une nouvelle impulsion ou de le réorienter en termes de mobilité soit interne, soit externe. D'ailleurs, il est patent que la capacité d'un candidat à la VAE à mettre en perspective - outre ses expériences passées - sa trajectoire et son projet professionnel, au travers de son livret 2 et durant l'entretien oral avec le jury, influence favorablement le résultat.

Il serait réducteur de penser que les pratiques d'accompagnement en VAE consistent essentiellement à mettre en conformité l'expérience singulière d'un professionnel avec les critères et indicateurs listés dans un référentiel de compétences. Pour de nombreux candidats, la VAE est en réalité l'occasion :

de faire un bilan de leur situation professionnelle présente et plus largement de leur parcours ainsi que des compétences qu'il ont développées tout au long de leurs expériences (salariés et bénévoles) ;

d'élaborer un nouveau projet ;

d'explorer de nouveaux champs professionnels ;

d'échanger sur leur activité de travail avec leurs pairs ;

de prendre de la distance par rapport à leur implication professionnelle au sein de l'organisation de travail ;

de prendre conscience des savoirs mobilisés dans l'action et de l'intelligence à l'oeuvre dans les situations qu'ils rencontrent...

On ne peut donc circonscrire l'accompagnement à la VAE aux aspects méthodologiques : il faut centrer sa posture et les outils sur le parcours et les enjeux - explicites et implicites - de mobilités professionnelles. Enjeux de mobilités (1) qu'il conviendrait désormais de prendre davantage en considération dans les dispositifs et pratiques de formation, en particulier, pour ce qui nous concerne, dans le champ du travail social.

Par conséquent, les processus à l'oeuvre dans le dispositif de VAE nous invitent, voire nous obligent, à concevoir l'accompagnement non plus comme étant subordonné à tel ou tel dispositif - VAE, mais aussi formation initiale, bilan de compétences, actions de professionnalisation... -, mais selon une logique de parcours. En quoi cela consiste-t-il ?

Préalablement, il serait temps de prendre acte des nouvelles typologies de parcours et de la manière dont aujourd'hui les individus agencent leurs trajectoires et «bricolent» subjectivement leur rapport au travail. Certes, le contexte de crise économique et sociale et la «peur du déclassement» (2) déterminent, de manière plus ou moins insidieuse, les itinéraires professionnels à travers notamment ce que l'on nomme les «mobilités subies» et dont sont victimes un certain nombre de salariés, et pas exclusivement à France Télécom. Pour autant, les individus ne se contentent pas d'adapter et d'ajuster leurs aspirations et stratégies aux contraintes du marché du travail et aux impératifs managériaux. Les parcours professionnels individuels témoignent non moins de la diversité et de la complexité des formes de mobilités plus choisies qu'imposées.

Une nouvelle ingénierie des parcours

Porter un nouveau regard sur la formation professionnelle suppose par ailleurs que la modularisation des programmes de formation, aujourd'hui en chantier au sein des organismes de formation en travail social, s'inscrive plus largement dans le cadre d'une nouvelle ingénierie des parcours. Autrement dit, la mobilité devrait être aussi un principe organisateur des parcours de formation, eux-mêmes plus «insécures» aujourd'hui que par le passé, par exemple à cause des difficultés financières que rencontrent les étudiants en formation initiale.

De sorte que ce n'est pas parce qu'un étudiant ou un salarié entre dans un dispositif de formation ou de professionnalisation qu'il cesse de se questionner sur son parcours et de «mettre au travail» son projet professionnel. C'est précisément, comme nous venons de le voir pour la VAE, les processus en jeu durant (mais aussi en amont et en aval de) ce type de démarche qui, par ricochet, produisent des effets (de formation ?) sur les parcours. En ce sens, les dispositifs et pratiques de formation ont désormais aussi pour principale vocation de permettre à un individu de se doter des ressources utiles en vue, autant que possible, d'anticiper et de préparer les transitions et ruptures qui vont, tout au long de sa vie, jalonner son parcours professionnel. En d'autres termes, s'il s'agit et s'agira toujours de «fabriquer» de la professionnalité, l'enjeu actuel de la formation et de la professionnalisation est bien de sécuriser les trajectoires singulières. C'est dire l'importance que revêtent aujourd'hui les questions d'orientation à différentes étapes du parcours d'un individu. D'ailleurs une résolution du conseil de l'Union européenne (3) invite les Etats membres à appliquer quelques principes directeurs et ce pour «accompagner les transitions tout au long de la vie des citoyens». D'autres textes de politique publique à l'échelle nationale - en particulier la loi du 24 novembre 2009 réformant la formation professionnelle - prolongent cette résolution et ont vocation à se traduire dans les dispositifs.

Au-delà des seuls enjeux inhérents à l'univers professionnel, les questions de mobilités et de parcours participent d'une réflexion plus globale sur le monde contemporain. Ainsi, la mobilité telle que nous venons ici de l'entrevoir n'est-elle pas le signe des mutations à l'oeuvre quant à notre rapport à l'espace et au temps ? Le philosophe et urbaniste Paul Virilio remarque par exemple, dans l'un de ses derniers ouvrages (4), que «c'est désormais 'l'être du trajet' et sa traçabilité qui s'apprêtent à l'emporter au détriment de toute localisation«. N'est-ce pas ce qui se passe lorsque le législateur introduit dans la loi le principe de «portabilité» des droits individuels - notamment en matière de formation - et le fait que les droits sont et seront de plus en plus attachés à des individus «nomades» forcément mobiles et non plus aux statuts, qui renvoient à des appartenances et identités collectives relativement stables ? »

Contact : serge-jamgotchian@irts-pacacorse.com

Notes

(1) Le Conseil d'orientation pour l'emploi a publié un rapport sur « Les trajectoires et les mobilités professionnelles » en septembre dernier.

(2) Eric Maurin, La peur du déclassement : une sociologie des récessions - Ed. du Seuil, 2009.

(3) Intitulée « Mieux inclure l'orientation tout au long de la vie dans les stratégies d'éducation et de formation tout au long de la vie », 21 novembre 2008.

(4) Le futurisme de l'instant. Stop-Eject - Ed. Galilée, 2009.

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