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Un rapport dessine les contours du futur outil d'évaluation de l'employabilité des personnes handicapées

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Lors de la conférence nationale du handicap en 2008 (1), Nicolas Sarkozy a demandé que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) soit réformée, avec pour objectifs de garantir la dignité des personnes dans l'incapacité durable ou définitive de travailler et de faire de l'allocation un tremplin vers l'emploi pour celles qui peuvent travailler. Il est alors apparu indispensable de ne plus fonder la distinction entre les deux régimes d'AAH (pour les personnes handicapées en mesure de travailler et pour celles qui en sont incapables) sur le seul taux d'invalidité mais aussi sur l'examen de la capacité ou non de l'intéressé à exercer une activité professionnelle. Aussi, en février 2009, Valérie Létard, alors secrétaire d'Etat à la solidarité, a-t-elle confié à Michel Busnel, médecin de médecine physique et de réadaptation et président de l'association Comete France (2), une mission de préfiguration d'un outil d'évaluation de l'employabilité des personnes handicapées, « condition et préalable » pour mettre en oeuvre la future réforme. Il a remis ses conclusions le 19 janvier à Xavier Darcos et à Nadine Morano, respectivement ministre et secrétaire d'Etat chargés de la famille et de la solidarité (3), qui se sont engagés à les transmettre pour avis au Conseil national consultatif des personnes handicapées et à lancer « sans délai » les expertises complémentaires nécessaires.

Harmonisation des critères d'accès aux dispositifs pour l'emploi

Pour l'auteur, il faut tout d'abord revoir la politique en matière d'emploi et de formation des personnes handicapées, qui est « complexe et manque de lisibilité ». En effet, les dispositifs de formation qui leur sont destinés sont très souvent structurés sur des parcours à temps complet et « ne prennent ainsi pas en compte les personnes dont la santé, le programme de rééducation [...] ne permettent pas une mobilisation ou une disponibilité sur des séquences d'apprentissage d'une journée complète ». Plus encore, souligne Michel Busnel, « la mobilisation des mesures, acteurs et dispositifs de soutien ou d'accompagnement (Pôle emploi, Cap emploi...) ne répond à aucun critère objectif d'application ou de priorité ». Une situation qui conduit souvent à écarter les publics qui pourraient en avoir le plus besoin. En outre, ces dispositifs sont « inégalement répartis sur le territoire et difficilement identifiables », offrent « peu de lisibilité sur leur pertinence et leur efficacité », sont « peu adaptables, se prêtent peu aux complémentarités et sont de fait peu accessibles aux personnes handicapées elles-mêmes », critique l'auteur. Quant aux conditions de cumul entre l'AAH et les revenus du travail, elles sont « particulièrement complexes et de ce fait illisibles » pour tous.

Pour Michel Busnel, il est donc indispensable d'harmoniser et de clarifier les critères d'accès aux différentes mesures mobilisables pour l'emploi des personnes handicapées. Ou encore d'améliorer l'accès aux dispositifs d'orientation et de formation professionnelle, notamment en confiant aux plans régionaux d'insertion des travailleurs handicapés une mission prioritaire d'évaluation et d'animation des dispositifs de formation professionnelle, qu'ils relèvent du droit commun ou qu'ils soient spécialisés.

Une évaluation différenciée selon le public ciblé

Pour déterminer l'employabilité des personnes handicapées, Michel Busnel préconise de mettre en place une évaluation multifactorielle qui différerait selon leur situation. Parmi les cas visés, citons les personnes en emploi, non allocataires de l'AAH, qui présentent un risque de désinsertion professionnelle pour raison de santé. Il suggère ici qu'« une évaluation de leur situation de travail [soit] déclenchée précocement, dès l'apparition des premières difficultés, [afin] d'éviter le licenciement pour inaptitude médicale ou faciliter, lorsque celui-ci ne peut pas être évité, une réinsertion professionnelle rapide ». Il faut « faire en sorte qu'aucune inaptitude ne soit prononcée sans qu'une véritable évaluation médico-psycho-socio-professionnelle ait été réalisée », un « préalable avant toute réorientation du cursus professionnel » (4), affirme Michel Busnel, qui avance une série de mesures concrètes pour aboutir à cet objectif. Rebondissant sur ces propositions, Xavier Darcos a rappelé que la prévention de la désinsertion professionnelle fait partie des axes de la réforme des services de santé au travail entamée en décembre dernier.

Ce processus d'évaluation est également destiné aux allocataires de l'AAH sans activité professionnelle souhaitant travailler. L'objectif est ici d'« assurer la complémentarité des dispositifs », souligne Michel Busnel. Doivent être aussi pris en compte les allocataires ou primo-demandeurs de l'AAH qui apparaissent trop éloignés de l'emploi (5), en particulier les jeunes, précédemment bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Pour ces derniers, l'auteur estime qu'il convient de « s'appuyer sur des dispositifs en alternance permettant de s'ouvrir au monde de l'entreprise, de tester leurs capacités, d'affiner leurs projets professionnels ». Pour les personnes qui n'émettraient pas immédiatement le souhait de travailler, l'auteur propose de leur verser, sous certaines conditions détaillées dans le rapport, une « allocation transitoire couplée à un accompagnement adéquat » (réadaptation, valorisation du cursus professionnel antérieur, optimisation des conditions de vie quotidienne...) et conditionnée à l'inscription réelle de la personne dans un parcours d'insertion comprenant des mises en situation, susceptibles d'accroître leur motivation et leurs capacités. Ce n'est qu'au terme d'un tel parcours que l'évaluation consolidée de la situation de la personne permettra de statuer sur le refus de l'AAH ou l'attribution de l'AAH soit différentielle, si cette personne a une activité professionnelle à temps partiel, soit assortie d'un complément, si l'incapacité totale de travailler est avérée. Xavier Darcos et Nadine Morano se sont dits intéressés par ces mesures qu'ils entendent bientôt expérimenter dans cinq départements.

Plus généralement, afin d'évaluer la situation des personnes handicapées au regard de l'emploi, l'auteur préconise, « plutôt qu'une grille, la mise en place d'un processus multifactoriel, dynamique et évolutif, d'évaluation et de suivi », tout en soulignant que « la totalité des éléments [motivation, compétences, capacités et environnement de la personne et de l'entreprise] de ce processus ne sera pas à mettre en oeuvre systématiquement de la même manière pour chacun ». Par exemple, pour décider de l'éligibilité de la personne à l'AAH - décision qui ne peut être fondée que sur des critères objectivables -, il conviendra d'inclure tous ces éléments à l'exception du critère de motivation. La démarche d'évaluation pourrait ainsi être effectuée sur la base d'un outil existant, à savoir le guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées utilisé par les maisons départementales des personnes handicapées, qui contient d'ores et déjà un grand nombre de variables permettant de décrire les catégories de facteurs évoquées ci-dessus.

Notes

(1) Voir ASH n° 2562 du 13-06-08, p. 5.

(2) Cette association initie, dans les centres ou services de médecine physique et de réadaptation, une prise en charge précoce des problématiques sociales et professionnelles des patients hospitalisés.

(3) L'emploi : un droit à faire vivre pour tous - Evaluer la situation des personnes handicapées au regard de l'emploi, prévenir la désinsertion socioprofessionnelle - Décembre 2009 - Disp. sur www.travail-solidarite.gouv.fr, rubrique « Documentation ».

(4) L'auteur estime que cette problématique doit être transposée et adaptée pour la fonction publique.

(5) Il s'agit des personnes dont l'inactivité professionnelle, très ancienne, semble installée, de celles dont les déficiences importantes entraînent des limitations d'activité majeures et qui n'expriment pas de projet professionnel, ou encore des personnes qui, sans présenter un éloignement de l'emploi aussi prononcé, n'envisagent pas d'intégrer dans leur vie une dimension professionnelle.

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