Recevoir la newsletter

Le gouvernement annonce des mesures pour améliorer la santé des sans-abri

Article réservé aux abonnés

P arce que « disposer d'un logement est une condition première pour l'intégration des personnes dans le droit commun de la prise en charge », la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et le secrétaire d'Etat chargé du logement, Benoist Apparu, ont décidé de financer l'expérimentation d'une méthode baptisée « housing first » (ou le « logement d'abord »). Cette annonce intervient à l'occasion de la remise, le 8 janvier, d'un rapport sur la santé des « personnes sans chez-soi » élaboré par le psychiatre Vincent Girard et les docteurs Pascale Estecahandy et Pierre Chauvin (1) Répondant en partie à leurs recommandations, Roselyne Bachelot a aussi demandé que soit désigné un référent « lutte contre l'exclusion » dans chaque agence régionale de santé (ARS) afin de veiller à la prise en compte transversale des problématiques de santé, de pauvreté et d'accès aux soins, et a décidé de nommer un référent « santé, fragilité sociale et précarité » au sein même du ministère de la Santé.

Un état de santé « catastrophique »

Quel que soit le terme utilisé (« sans domicile fixe », « sans-abri », « grands exclus »...), « les personnes sans domicile forment une population hétérogène aux contours extrêmement variés, faiblement définis juridiquement et difficilement quantifiables », indique le rapport. Tandis que l'enquête INSEE de 2001 décomptait 63 500 adultes, accompagnés de 16 000 enfants, la Fondation Abbé Pierre comptabilise près de 600 000 personnes privées de domicile personnel (2). En outre, « toutes les associations ont constaté un accroissement du nombre des femmes seules ou des couples accompagnés d'enfants depuis la fin des années 1990. Séparation, décohabitation, émigration, expulsion, sorties de prison, etc. précèdent souvent la perte de logement stable. »

Autre constat posé par les acteurs de terrain « depuis au moins 10-15 ans déjà » : « l'état de santé des personnes sans abri est catastrophique ». « Avec une espérance de vie estimée de 30 à 35 ans inférieure à celle de la population générale, associée à une qualité de vie dégradée, [elles] font l'objet de violences psychosociales, physiques et sexuelles avec des fréquences incomparablement élevées ». Certaines maladies découlent directement de leurs conditions de vie (manque d'hygiène, marche prolongée, contacts infectieux dans les foyers surpeuplés...). Les prévalences de schizophrénie et de psychose dans cette population atteignent des taux 5 à 30 fois supérieurs à ceux de la population générale. Les personnes sans abri subissent également des discriminations pouvant aller jusqu'à des refus de soins de la part des professionnels de santé, que ce soit lié à leur couverture sociale (CMU), à leur apparence ou à leur comportement.

Décloisonner les politiques de santé et de lutte contre l'exclusion

Le rapport dénonce l'inefficacité des politiques de lutte contre les exclusions menées par la France, liée à une « insuffisance de coordination et/ou un cloisonnement des stratégies, des lignes budgétaires et des pratiques qui se retrouvent à tous les niveaux d'organisation ». Ce cloisonnement - présent notamment entre les administrations centrales sanitaire et sociale (direction générale de la santé et direction générale de l'action sociale) - risque de se retrouver au niveau régional avec la mise en place des ARS, alerte-t-il. C'est pourquoi le premier des cinq axes de recommandations vise à « décloisonner les politiques sanitaires et [à] réorganiser le système de soins ». A ce titre, le rapport appelle à « travailler sur l'existant en priorité, sans ajouter des dispositifs à une organisation complexe ».

« La coordination des accompagnements somatiques, psychiatriques et sociaux » constitue le deuxième axe d'actions préconisées par le rapport. A ce titre, il recommande notamment de développer des programmes expérimentaux d'évitement de l'incarcération en créant des partenariats entre la psychiatrie, les structures d'addictologie, la justice et les services de police. « Plus généralement, dans la logique du droit au logement, les conditions légales d'expulsion [devraient] mieux prendre en compte le risque social de basculer dans l'itinérance et le sans-abrisme », estime le rapport. Il prône également la création de maisons d'accompagnement, de liaison et de suivi socio-sanitaire dans chaque territoire pertinent.

« Loger d'abord »

Le rapport appelle à abaisser les seuils d'inclusion au sein des différentes structures d'accueil d'urgence et de réinsertion et propose la création d'une solution d'habitat thérapeutique semi-collectif permettant l'hospitalisation à domicile. Surtout, il souligne que « ce n'est pas seulement d'un toit qu'ont besoin les personnes pour se rétablir et aller mieux, mais d'un «chez-soi» intégré dans la cité, qui procure intimité, sécurité et stabilité ». C'est pourquoi il propose un « programme expérimental national sur cinq sites sur quatre ans, qui s'inspire du programme «sans chez-soi» du Canada » (3). Enfin, il recommande de développer de nouvelles pratiques professionnelles et de promouvoir la recherche et l'évaluation.

Notes

(1) La santé des personnes sans chez-soi - Plaidoyer et propositions pour un accompagnement des personnes à un rétablissement social et citoyen - Disponible sur www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr.

(2) Selon la Fondation Abbé-Pierre, en plus de 100 000 personnes sans domicile fixe, 152 000 personnes vivent dans des structures d'hébergement et d'insertion, 150 000 autres sont hébergées chez des tiers dans des conditions de logement difficiles et faute d'autres solutions, auxquelles s'ajoutent également 100 000 personnes vivant à l'année en camping ou en mobil home, 41 400 personnes vivant dans des habitats de fortune (cabane, construction provisoire...) et 50 000 personnes vivant en chambre d'hôtel.

(3) Le programme consiste à donner un accès immédiat à un logement permanent pour les personnes sans abri durablement à la rue et présentant des troubles mentaux sans exigence quant à leur sobriété ou à leur consommation de substances. Les personnes doivent consacrer 30 % de leurs revenus au loyer. Sans avoir l'obligation de suivre un traitement, elles bénéficient d'un suivi adapté à leurs besoins réalisé par une équipe pluridisciplinaire.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur