Deux ans après avoir retoqué la première mouture du fichier des étrangers expulsables - baptisé « ELOI » - (1), le Conseil d'Etat a annulé, le 30 décembre, deux dispositions du décret relatif à sa nouvelle version, validant toutefois l'essentiel du texte. Ainsi, cette décision « ne remet pas en question la mise en oeuvre du fichier », a souligné le ministre de l'Immigration dans un communiqué, annonçant « un texte complémentaire » pour remplacer les deux illégalités retenues par la Haute Juridiction.
La première disposition à avoir subi les foudres des sages porte sur l'enregistrement dans ELOI du numéro national d'identification utilisé dans le système informatisé de gestion des dossiers des étrangers ayant demandé un titre de séjour - dit numéro « AGDREF ». Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que la pertinence et l'adéquation de cette donnée relative au séjour par rapport aux finalités du fichier n'étaient pas établies. Il n'a en revanche pas remis en cause les autres catégories de données personnelles collectées, et notamment les informations relatives aux nom, prénom et à l'âge des mineurs d'un étranger faisant l'objet d'une procédure d'éloignement. Une donnée pertinente, a-t-il estimé, « compte tenu, notamment, de la nécessité de permettre le cas échéant à l'ensemble de la famille de [l'intéressé] de l'accompagner et d'assurer dans l'attente de l'éloignement un hébergement adapté ».
La deuxième disposition jugée illégale porte sur la durée de conservation de certaines données. Pour la plupart des informations enregistrées dans le fichier, le décret prévoit une durée de trois mois, jugée par les sages « proportionnée au regard des nécessités de la gestion des différentes étapes des procédures d'éloignement ». Mais pour certaines d'entre elles, relatives à l'identification de l'étranger et de ses enfants, aux caractéristiques de la mesure d'éloignement, à la soustraction éventuelle de l'étranger à l'exécution de cette mesure, à l'exercice de recours contentieux et à la demande de laissez-passer auprès des autorités consulaires du pays vers lequel l'éloignement est prononcé, le texte attaqué prévoyait une durée de conservation de trois ans. Le Conseil d'Etat l'a jugée excessive. « La circonstance que la conservation de certaines données essentielles pourrait permettre de faciliter une nouvelle mesure d'éloignement, qui s'avérerait nécessaire à l'encontre d'un étranger ayant déjà fait l'objet d'une telle mesure dans l'hypothèse où il viendrait à nouveau à séjourner irrégulièrement sur le territoire national, ne suffit pas à justifier la conservation de ces données, relatives à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, pendant une durée de trois ans après la date de l'éloignement effectif », ont estimé les juges. En outre, expliquent-ils encore, « il n'est pas établi, ni même sérieusement allégué, que l'élaboration de statistiques relatives à l'ensemble des mesures d'éloignement et à leur taux d'exécution serait rendue impossible en l'absence d'une conservation des données susmentionnées pendant une durée de trois ans ».