Pour pallier les insuffisances de la machine judiciaire dans le suivi des délinquants sexuels récidivistes, le ministère de la Justice rappelle et précise aux juridictions de jugement et de l'application des peines les règles procédurales qui s'appliquent en la matière.
La chancellerie rappelle tout d'abord que les éléments de personnalité recueillis dans le cadre de l'enquête initiale utilisés lors de l'audience de jugement doivent aussi l'être dans la phase d'exécution de la peine afin de permettre de déterminer les mesures de suivi adaptées à la dangerosité du condamné. Aussi insiste-t-elle sur la qualité des expertises médicales diligentées, notamment lorsqu'elles s'effectuent dans le cadre des gardes à vue. Le ministère demande également aux parquets de requérir à l'audience, lorsqu'ils l'estiment nécessaire, une expertise complémentaire en cas de doute sur le profil psychologique ou la dangerosité du prévenu.
Pour prévenir la récidive des délinquants sexuels, le sursis avec mise à l'épreuve (SME) peut aussi être une « réponse pertinente », signale la chancellerie. Parmi les mesures de surveillance prévues à l'article 132-45 du code pénal pouvant être prononcées dans ce cadre, lui paraissent particulièrement adaptées : l'obligation d'établir sa résidence en un lieu déterminé ; l'interdiction d'exercer une activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; l'interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ; l'interdiction de paraître en tout lieu désigné ; l'obligation de soins ; l'injonction de soins (1). En outre, le ministère de la Justice indique que d'autres mesures de surveillance peuvent être ordonnées à titre de peines complémentaires, telles que l'interdiction de séjour. Selon lui, cette dernière paraît justifiée « chaque fois qu'il conviendra d'éviter qu'une personne condamnée pour un crime ou un délit sexuel puisse rencontrer fortuitement ou non une de ses victimes. Il peut être envisagé également d'interdire à cet individu de se rendre en un lieu où il risque d'être en contact avec des victimes potentielles. » L'intérêt de cette interdiction réside dans sa durée - cinq ans en cas de délit et dix ans en cas de crime -, plus longue que celle d'une obligation du SME. En outre, rappelle l'administration, elle doit s'accompagner de mesures d'assistance et de surveillance, effectuées sous le contrôle du juge de l'application des peines (JAP) (2). En cas d'inobservation de ces obligations, l'intéressé s'expose à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 € d'amende. Afin d'assurer une plus grande efficacité à ces sanctions, la chancellerie indique que les parquets peuvent prendre deux dispositions. Tout d'abord, au-delà de la diffusion au fichier des personnes recherchées, il convient d'adresser aux services de police et de gendarmerie territorialement compétents les décisions de justice portant interdiction de séjour ou de paraître. Il peut en outre être opportun de prévoir une information des maires concernés par le périmètre de l'interdiction de séjour ou de paraître prononcée.
Quoi qu'il en soit, la garde des Sceaux demande que les condamnés les plus dangereux ne puissent « pas retrouver la liberté sans aucune forme de suivi lorsqu'ils présentent toujours un danger pour la société et un risque de récidive avéré ». Dans ce cadre, rappelle-t-elle, les JAP peuvent ordonner à titre de mesure de sûreté, sur réquisitions du procureur de la République, pour des faits commis à compter du 14 décembre 2005, un placement sous surveillance judiciaire de tout condamné à une peine d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, lorsqu'une expertise psychiatrique constate la dangerosité et un risque de récidive avéré (3). Aussi Michèle Alliot-Marie insiste-t-elle pour que le parquet requière d'office cette expertise de dangerosité, « suffisamment tôt avant la date prévue de libération », si le JAP ne l'a pas déjà ordonnée, afin de pouvoir ensuite demander, chaque fois que l'expertise conclut à la dangerosité du condamné et à son aptitude à suivre des soins, une mesure de surveillance judiciaire assortie d'une injonction de soins.
(1) Si la personne a été condamnée à un SME pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a établi qu'elle peut faire l'objet d'un traitement, le SME est assorti de l'injonction de soins, sauf décision contraire de la juridiction.
(2) Il s'agira de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par la décision de condamnation ; informer le JAP de tout déplacement au-delà de limites déterminées par cette décision ; répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par cette décision.
(3) Cette possibilité est effectivement prévue par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental - Voir ASH n° 2545 du 15-02-08, p. 17 et n° 2547 du 29-02-08, p. 5.