ÉTRANGES PUZZLES. Il a suffi à Marc Pataut d'une vingtaine de visites, entre octobre 2003 et février 2006, pour immortaliser les jeunes de l'Unité de soins institutionnelle pour adolescents (USIPA) de l'hôpital Esquirol, à Limoges (1). D'abord invité au sein de la structure pour enseigner les rudiments de son art à quelques patients dans le cadre de « Culture à l'hôpital », le photographe a proposé à ces adolescents - dont beaucoup souffrent de troubles alimentaires - de choisir leurs moments, leurs objets, leurs cadres pour montrer leur quotidien. Au contraire des psychiatres, Marc Pataut observe sans juger, sans analyser, sans soigner. L'enjeu n'est pas clinique, mais esthétique. Les patients se prennent au jeu. Au total, ils réalisent près de 9 000 clichés : des portraits et autoportraits, une main, un dos, des paysages, des natures mortes, etc. Des photographies accrochées au mur de l'unité, puis commentées. Elles sont ensuite découpées, recadrées, rafistolées, pour trouver leur place dans un ouvrage de près de 150 pages, qui regroupe ces étranges puzzles. Pour ces jeunes anorexiques, le travail sur le corps et l'image est extrêmement délicat. Ici, ces « champions » de la maîtrise regardent, se regardent, se donnent à voir... On voit une pompe à nutrition, des automutilations, mais aussi le jardin, le ciel, les oiseaux, des sourires. Dans Toujours ou jamais, on perçoit également que les visages en gros plans, contemplatifs et en noir et blanc, ont été captés par Marc Pataut. Cette formidable galerie de regards est suivie d'un long texte sous forme de journal, qui témoigne des liens tissés entre l'artiste et les adolescents.
Toujours ou jamais - Marc Pataut - Ed. LienArt - 39 €
(1) Depuis 2006, l'USIPA n'existe plus. Lui a succédé l'unité Bellevue qui accueille 21 jeunes en hospitalisation complète.