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Sur fond de réforme, la CGT dénonce la « situation catastrophique » des travailleurs sociaux des SPIP

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La CGT pénitentiaire tire le signal d'alarme sur la situation du travail social en prison, alors qu'une réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation est engagée. Un projet qu'elle n'approuve pas, au contraire du Snepap-FSU, toujours en négociation sur le sujet.

Moins de 3 000 conseillers d'insertion et de probation (CIP) et assistants sociaux titulaires sont chargés du suivi de plus de 62 000 détenus et de 150 000 condamnés en « milieu ouvert ». C'est ce que souligne la CGT pénitentiaire, à l'heure où la chancellerie veut mettre l'accent sur l'objectif de prévention de la récidive, qu'elle assigne à la prison. Dans un texte du 20 décembre intitulé « L'inacceptable », l'organisation syndicale dresse « un état des lieux de la situation catastrophique des travailleurs sociaux qui interviennent en prison », à la fois confrontés à la surpopulation carcérale et au manque de personnels. Rares sont les établissements pénitentiaires, selon la CGT, où les CIP et assistants sociaux ont moins de 80 dossiers à suivre. Or, reprenant à son compte une recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) formulée en 2006 (1), elle estime que « le nombre maximum de dossiers par travailleur social ne devrait jamais dépasser les 50 » et réclame un plan de recrutement pluriannuel en ce sens.

Car, pour l'heure, ce sous-effectif chronique conduit à une perte du sens des missions des professionnels, dénonce l'organisation. « Dans certains établissements, toutes les catégories de détenus ne sont pas suivies par un CIP, indique Samuel Aze, référent national des travailleurs sociaux à la CGT pénitentiaire. Les détenus susceptibles de faire l'objet d'un aménagement de peine, donc les plus proches de l'emploi et du logement, sont dans certaines maisons d'arrêt prioritaires. » Pour la CGT, le développement des aménagements de peine ne répond dans ces conditions qu'à « un objectif gestionnaire et comptable », au lieu d'être un « outil au service de la réinsertion ».

Elle dénonce aussi des difficultés matérielles - qui nuisent à l'organisation des entretiens et à leur confidentialité -, auxquelles s'ajoutent une multiplication des tâches administratives et une mobilisation accrue sur les nouvelles orientations fixées par l'administration pénitentiaire, au détriment d'autres interventions. Si certaines évolutions, découlant de l'application des règles pénitentiaires européennes, sont positives, commente Samuel Aze, « leur intérêt théorique est mis à l'épreuve de dysfonctionnements préalables qui les rendent inopérantes ». Les espaces de dialogue pluridisciplinaire constituent par exemple un progrès pour la prise en charge globale des détenus. Mais « nous n'avons jamais eu aussi peu d'éléments à partager : alors que le temps consacré aux entretiens se réduit, nous avons souvent une connaissance de la personne limitée à son dossier ».

Plus inquiétant encore, des dispositifs d'insertion sont menacés. « Il faut que l'administration fasse des efforts de conventionnement avec les structures administratives et le champ associatif, explique Samuel Aze. Du fait des conditions de travail en détention, les partenaires peuvent en outre avoir l'impression que leur intervention est inefficace, ce qui est humainement et économiquement décourageant, car eux aussi sont soumis à une culture du chiffre. Enfin, nous avons nous-mêmes peu de temps à consacrer pour faire vivre le partenariat, qui de fait dépérit faute de suivi régulier. »

Dans ce contexte, la CGT pénitentiaire, comme d'ailleurs la CFDT-Interco, voit d'un très mauvais oeil le projet de réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), objet d'un protocole d'accord signé en juillet dernier par le seul Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap)-FSU, qui y voit un moyen d'affirmer la spécificité des métiers des CIP et de tendre vers l'introduction du droit commun en détention. Le document, qui prévoit une revalorisation statutaire des CIP, recentre leur métier sur le champ pénal, en séparant leurs missions de celles des travailleurs sociaux (2). Une attaque contre leur identité professionnelle, également fondée sur une mission sociale, contestent les syndicats non signataires. Pour l'heure, plusieurs points d'achoppement sur le volet statutaire de la réforme - l'étalement de sa mise en oeuvre, la durée de carrière des CIP dans le cadre de leur nouveau statut et l'organisation de leur temps de travail - sont encore en discussion entre le Snepap et la direction de l'administration pénitentiaire. Pas question pour le syndicat de revoir à la baisse ses exigences, souligne Sylvain Roussilloux, secrétaire national, selon qui « l'administration pénitentiaire souhaiterait mettre en oeuvre les décrets statutaires au second semestre 2010 ». Le syndicat reste aussi vigilant sur le vaste chantier de la réorganisation des services, l'un des points du protocole d'accord. L'objectif est de répartir les dossiers par typologie de suivi, en fonction des besoins de la personne placée sous main de justice. Début décembre, le Snepap a demandé à l'administration pénitentiaire de revoir un projet d'expérimentation confiant à des personnels de surveillance les suivis d'exécution des peines ne nécessitant pas d'accompagnement éducatif. « Nous sommes favorables à la pluridisciplinarité, pas à un pur transfert des missions », souligne Sylvain Roussilloux.

Alors que la question du manque de moyens des personnels d'insertion et de probation, en milieux fermé et ouvert (3), est régulièrement posée par les syndicats, 138 emplois de CIP ont été créés en 2009 sur 256 créations de postes dans les SPIP, qui comptent aujourd'hui 3 256 personnels d'insertion et de probation, selon l'administration pénitentiaire. Celle-ci précise que les deux tiers des services interviennent à la fois en milieu ouvert et fermé. Pour 2010, 99 nouveaux emplois de CIP sont prévus sur 260 nouveaux postes dans les SPIP. Outre la réforme dont ils font l'objet, « le corps des CIP est le seul de la fonction publique à avoir vu ses effectifs augmenter ces dernières années. Ils ont plus que doublé dans les dix dernières années », fait valoir l'administration pénitentiaire. En 2006, la CNCDH saluait ces recrutements, non sans engager « les pouvoirs publics à poursuivre ce nécessaire investissement », rappelant que, en 2003 déjà, le député Jean-Luc Warsmann estimait les besoins à 3 000 personnels supplémentaires.

Notes

(1) Voir ASH n° 2502 du 6-04-07, p. 19.

(2) Voir ASH n° 2600 du 13-03-09, p. 21, n° 2605 du 17-04-09, p. 22, n° 2610 du 22-05-09, p. 20 et n° 2613 du 12-06-09, p. 24.

(3) Le nombre de mesures en milieu ouvert a augmenté de 7 % en un an.

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