Le taux de suicide augmente en milieu carcéral depuis 50 ans en France métropolitaine : il est passé de 4 suicides pour 10 000 détenus en 1960 à 19 en 2008, alors que sur la même période il a peu changé dans la population générale. C'est ce qu'indique l'Institut national d'études démographiques (1), qui compare la situation de l'Hexagone à celle de ses voisins européens. La France présente l'un des indicateurs les plus élevés de « sursuicidité » en prison, avec des détenus qui mettent 5 à 6 fois plus souvent fin à leurs jours que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans.
Quelles sont les raisons de cette augmentation ? La surpopulation carcérale ne peut être l'unique raison, démontre l'étude : alors que le taux d'occupation des établissements pénitentiaires diminue au début des années 1990, le taux de suicide augmente. Et lorsque le taux d'occupation augmente à partir de 2002, celui du suicide a tendance à diminuer. Et « si les conditions d'encellulement relèvent de la dignité humaine », leur mise en cause fréquente dans les suicides « ne tient pas compte du fait que la moitié des suicidés étaient seuls en cellule ».
Autre constat : les suicides interviennent en majorité en début de détention. Un quart d'entre eux a lieu dans les deux mois qui suivent l'incarcération, et la moitié dans les six premiers mois, alors que la durée moyenne de détention est de huit mois sur la période 1998-2008. Les prévenus, plus récemment incarcérés et en attente de leur jugement, se suicident deux fois plus que les condamnés. Ce qui peut s'expliquer par « la fuite face aux jugements moral et judiciaire » entraînés par l'incarcération ou par le choc de cette dernière, lui-même causé par la difficulté d'adaptation à la privation de liberté, par la révélation publique du crime ou du délit, ou encore par l'ostracisme et l'exclusion dont le détenu peut faire l'objet en détention. Le taux de suicide augmente également avec la gravité de l'infraction : sur la période 2006-2008, 37 suicides pour 10 000 détenus pour homicide sont recensés, 20 parmi ceux accusés ou condamnés pour viol, deux fois moins pour les violences volontaires et les atteintes aux moeurs, les détenus pour d'autres infractions présentant des taux plus faibles.
Ces chiffres ne peuvent cependant être directement interprétés comme les résultats de « l'effet létal de l'univers carcéral sur les prisonniers », pointe l'étude, rappelant qu'« actuellement encore, la prison héberge des populations psychologiquement vulnérables ». Le rôle d'événements concomitants relevant notamment du milieu familial doit être pris en compte, souligne-t-elle. Sans oublier qu'il convient d'ajouter aux caractéristiques liées à l'incarcération celles du détenu (âge, sexe, liens familiaux...) et, plus globalement, celles de la société (suicides en population générale, poids de la réprobation sociale liée à l'infraction, gestion des troubles mentaux...). Les causes de l'acte suicidaire sont donc multiples et doivent être appréhendés « comme le résultat d'une accumulation de facteurs sociaux pénalisants et de tensions mentales diverses ».
(1) « Suicides en prison : la France comparée à ses voisins européens » - Population et sociétés n° 462 - Décembre 2009 -